Cour de justice de l’Union européenne, le 13 février 2025, n°C-121/23

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 2 octobre 2025, un arrêt essentiel relatif à la recevabilité du recours en annulation. Un gestionnaire de réseau d’un État tiers souhaitait participer à des plateformes d’échange d’électricité gérées par des entités de l’Union. L’organe exécutif de l’Union a adressé une lettre à cet opérateur pour lui notifier l’impossibilité de conclure les accords nécessaires à cette participation technique. Le gestionnaire a alors saisi le Tribunal de l’Union européenne d’un recours visant à obtenir l’annulation de cette prise de position administrative. Par ordonnance du 21 décembre 2022, le Tribunal a rejeté la demande comme irrecevable au motif que l’acte n’était que purement informatif. La requérante a formé un pourvoi en soutenant que cette lettre modifiait de manière caractérisée sa situation juridique au sein du marché intérieur. La question posée à la Cour consistait à déterminer si une telle communication produit des effets de droit obligatoires affectant les intérêts de la partie. La Cour de justice décide que « l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 21 décembre 2022 […] est annulée » et renvoie l’affaire devant la juridiction. L’analyse du raisonnement des juges permet d’aborder d’abord l’élargissement de la notion d’acte attaquable avant d’étudier le renforcement du contrôle sur les actes préparatoires.

I. L’élargissement de la notion d’acte attaquable au regard de la protection juridictionnelle

A. La remise en cause de la nature purement informative de l’acte

Le Tribunal avait estimé que la lettre litigieuse ne constituait pas une décision définitive susceptible de faire l’objet d’un recours direct en annulation. Cette juridiction considérait que le document exprimait simplement une opinion technique sur la mise en œuvre d’un cadre réglementaire complexe sans force contraignante. La Cour de justice censure cette analyse en soulignant que le contenu de l’acte doit primer sur sa forme ou sa dénomination officielle. Elle rappelle que la recevabilité d’un recours dépend de l’existence d’effets juridiques obligatoires affectant la situation de droit de la partie requérante. En l’espèce, la position prise par l’institution fermait l’accès de l’opérateur aux mécanismes de coopération essentiels pour son activité transfrontalière habituelle.

B. La reconnaissance d’effets juridiques obligatoires envers les tiers

L’identification d’un acte attaquable exige une évaluation concrète de l’impact de la mesure sur les intérêts de la personne ou de l’entité concernée. La Cour observe que le refus de permettre la conclusion d’accords techniques prive l’opérateur tiers de facultés découlant de la réglementation européenne applicable. Elle affirme ainsi que « l’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne » afin qu’un examen approfondi de la légalité soit effectué. Cette solution garantit que les décisions administratives ayant un impact économique réel ne puissent pas échapper au contrôle juridictionnel sous des prétextes formels. La reconnaissance de la nature décisoire de la lettre permet de passer de la recevabilité procédurale à l’examen de la substance du litige.

II. Le renforcement du contrôle de légalité sur les actes préparatoires complexes

A. Une interprétation dynamique des critères de recevabilité du recours

L’interprétation retenue par la Cour s’inscrit dans une volonté constante de préserver l’accès au juge au sein de l’ordre juridique de l’Union. Les juges considèrent que l’article 263 du traité sur le fonctionnement de l’Union doit être lu à la lumière du droit fondamental à une protection. Cette approche dynamique refuse de limiter le recours aux seuls actes produisant des effets immédiats sans tenir compte du contexte institutionnel global. La Cour rappelle que même un acte s’inscrivant dans un processus de négociation peut cristalliser une position définitive de l’administration envers un tiers. Cette jurisprudence protège les acteurs économiques contre les actes dont le caractère définitif est dissimulé derrière une apparence de simple correspondance administrative.

B. Les conséquences du renvoi pour l’examen au fond de la décision

L’annulation de l’ordonnance initiale impose au Tribunal de statuer à nouveau sur les moyens de fond soulevés par le gestionnaire de réseau tiers. Cette étape sera déterminante pour clarifier les obligations de l’institution lors de la gestion des relations techniques avec des entités non membres. La Cour ne tranche pas immédiatement le litige au fond mais restaure la possibilité pour la requérante de contester les motifs de son éviction. Cette solution renforce la sécurité juridique en obligeant les organes de l’Union à justifier plus rigoureusement leurs communications ayant des incidences extérieures. Le renvoi de l’affaire assure enfin que la complexité des dossiers énergétiques ne nuise pas à la rigueur de la surveillance exercée par les juges.

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Hassan KOHEN
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