Cour de justice de l’Union européenne, le 13 janvier 2022, n°C-282/19

La Cour de justice de l’Union européenne, dans sa décision du 13 janvier 2022, examine la conformité du droit italien relatif au travail à durée déterminée. Plusieurs enseignants de religion catholique, employés depuis de nombreuses années par l’administration, contestaient le renouvellement systématique de leurs engagements annuels sans perspective de titularisation. Ces travailleurs sollicitaient la requalification de leur relation de travail en contrat à durée indéterminée ou l’obtention d’une réparation financière pour le préjudice subi. L’administration s’opposait à ces demandes en invoquant les spécificités des accords internationaux et la nécessité d’une gestion souple des effectifs enseignants. Saisie par le tribunal de Naples, la juridiction européenne devait déterminer si les exigences spécifiques de cet enseignement justifiaient l’exclusion des mesures protectrices de droit commun. Les juges soulignent que le besoin de flexibilité organisationnelle ne peut masquer l’absence de garanties effectives contre les abus résultant de la succession de contrats précaires. La Cour affirme que la nécessité d’un titre d’aptitude ecclésiastique ne constitue pas une raison objective permettant d’écarter les principes fixés par l’accord-cadre européen. Ce commentaire portera sur l’insuffisance des justifications liées au statut confessionnel avant d’analyser l’obligation de sanctionner l’utilisation abusive des contrats à durée déterminée.

I. L’insuffisance des justifications tirées des spécificités de l’enseignement religieux

A. L’exclusion du titre d’aptitude comme raison objective de renouvellement

La Cour précise que la notion de raison objective suppose des circonstances concrètes et précises justifiant le recours à des relations de travail temporaires. Elle souligne que « la nécessité d’un titre d’aptitude délivré par une autorité ecclésiastique n’est pas constitutive d’une raison objective au sens de la clause 5 ». Cette pièce administrative est délivrée une seule fois lors du recrutement initial et ne dépend aucunement de la durée de la mission confiée. L’exigence de ce certificat ne permet pas de vérifier si le renouvellement du contrat répond à un besoin véritablement provisoire de l’employeur public. La stabilité de l’emploi demeure l’élément majeur de la protection des travailleurs, limitant ainsi la marge d’appréciation des États membres dans ce secteur particulier.

B. L’écartement d’une discrimination directement fondée sur la religion

Les requérants invoquaient une différence de traitement illicite par rapport aux enseignants d’autres matières ayant bénéficié d’un plan extraordinaire de recrutement à durée indéterminée. Toutefois, le juge européen estime que la situation ne caractérise pas une discrimination directe fondée sur les convictions religieuses ou la foi des intéressés. La différence de régime résulte exclusivement du secteur d’activité et des modalités de gestion du personnel de l’enseignement public au sein de l’ordre juridique interne. « Une telle différence de traitement n’est pas fondée sur la religion, mais concerne seulement le régime applicable à la relation de travail » précisent les magistrats. L’analyse se déplace alors vers le respect des objectifs de l’accord-cadre européen visant à prévenir la précarisation durable des salariés du service public.

II. L’exigence de sanctions effectives contre l’utilisation abusive de la précarité

A. L’assujettissement du secteur public scolaire aux garanties de l’accord-cadre

Le champ d’application de l’accord-cadre est conçu de manière large et englobe l’ensemble des travailleurs sans distinction selon la qualité de l’employeur. La Cour rappelle que cet instrument « trouve donc à s’appliquer également au personnel recruté dans le secteur de l’enseignement dispensé au sein d’établissements publics ». La souplesse organisationnelle requise par le caractère facultatif de l’instruction religieuse ne dispense pas l’administration du respect des limites minimales contre les abus. Si l’État peut tenir compte des besoins particuliers d’un secteur, il ne saurait pour autant remettre en cause l’effet utile du droit européen. Le renouvellement de contrats pour couvrir des besoins permanents et durables contredit la prémisse selon laquelle le contrat à durée indéterminée est la forme générale.

B. L’obligation d’interprétation conforme pour garantir une réparation adéquate

Lorsqu’un abus est constaté, l’ordre juridique interne doit comporter une mesure effective pour sanctionner l’utilisation successive de contrats précaires et effacer les conséquences dommageables. Le droit national doit être interprété dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive européenne. Les magistrats européens affirment que la clause 5 « s’oppose à une réglementation nationale qui exclut les professeurs de religion catholique de l’application des règles de protection ». La juridiction de renvoi doit vérifier s’il existe d’autres garanties équivalentes ou appliquer les sanctions de droit commun prévoyant la requalification automatique des contrats. Cette solution renforce la protection des agents publics contre une gestion budgétaire privilégiant systématiquement la flexibilité au détriment de la sécurité juridique des travailleurs.

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Hassan KOHEN
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