La Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision relative à l’interprétation du régime général d’accise applicable aux produits destinés aux relations diplomatiques. Une société a déclaré auprès des douanes la mise en libre pratique de produits alcoolisés et de cigarettes destinés à des ambassades sous exonération fiscale. L’administration nationale a refusé ce bénéfice car les produits n’avaient pas été payés par virement bancaire mais par des cessions de créances ou espèces. L’opérateur a formé un recours contre ce redressement devant le Tribunal administratif de district qui a rejeté ses prétentions en première instance. Saisie en appel, la Cour administrative régionale a décidé d’interroger le juge européen sur la validité de cette exigence formelle de paiement scriptural.
La société requérante soutenait que la condition de paiement scriptural n’était pas déterminante au regard des conventions internationales liant son propre pays. L’administration défenderesse affirmait au contraire que l’absence de vérification directe du mode de règlement empêchait tout contrôle efficace contre les fraudes potentielles. Il s’agit de déterminer si l’article 12 de la directive 2008/118/CE autorise un État membre à restreindre l’exonération fiscale par une condition de paiement scriptural. La Cour de justice juge qu’une telle mesure nationale est contraire au principe de proportionnalité et entrave inutilement le bénéfice des droits prévus. L’analyse de cette solution impose d’étudier l’autonomie laissée aux États membres avant d’examiner les limites imposées par le principe de proportionnalité.
I. La reconnaissance encadrée de l’autonomie nationale dans la mise en œuvre des exonérations
A. La marge d’appréciation des États membres quant aux modalités de contrôle L’article 12 de la directive 2008/118 dispose que les exonérations s’appliquent selon les conditions et limites fixées par chaque État membre d’accueil. Cette marge de manœuvre permet aux autorités nationales d’encadrer la procédure afin de garantir que les produits parviennent effectivement aux bénéficiaires légitimes. Les juges soulignent cependant que cette compétence doit s’exercer dans le respect du cadre harmonisé européen pour assurer le bon fonctionnement du marché. La finalité première demeure l’octroi effectif de l’avantage fiscal aux missions diplomatiques, aux postes consulaires ainsi qu’aux organismes internationaux officiellement reconnus.
B. La légitimité de l’objectif de lutte contre la fraude fiscale La lutte contre la fraude et les abus financiers constitue un objectif impératif justifiant l’adoption de mesures de contrôle par les administrations fiscales. L’exigence d’un règlement bancaire vise à faciliter l’identification précise des auteurs des paiements et à attester de la sincérité des transactions commerciales. La Cour admet que les États possèdent un intérêt légitime à protéger leurs ressources financières par des mesures appropriées contre l’évasion fiscale. Cette volonté de sécuriser les recettes publiques ne doit toutefois pas aboutir à la création d’obstacles administratifs excessifs pour les contribuables concernés. Bien que la lutte contre la fraude soit légitime, les moyens employés doivent rester compatibles avec les instruments de contrôle déjà prévus.
II. La primauté du principe de proportionnalité sur les exigences formelles nationales
A. Le caractère suffisant du certificat d’exonération harmonisé Le droit de l’Union prévoit un certificat d’exonération harmonisé qui contient déjà toutes les informations nécessaires pour vérifier la régularité des opérations. Ce document officiel certifie l’identité du bénéficiaire, la nature des marchandises et l’usage officiel ou privé des biens soumis aux droits d’accise. Les mentions relatives aux quantités et aux prix permettent un suivi rigoureux des livraisons sans qu’il soit nécessaire d’imposer des formalités bancaires supplémentaires. La Cour précise que « ce certificat est, en lui-même, de nature à permettre le contrôle effectif du respect des conditions d’exonération ».
B. L’incompatibilité d’une condition de paiement exclusive avec le droit de l’Union L’imposition d’un mode de paiement unique excède ce qui est requis dès lors qu’une facture acquittée permet de prouver la réalité de l’achat. Le principe de proportionnalité interdit aux États d’ajouter des contraintes formelles démesurées qui compromettent l’application uniforme des règles de fiscalité européenne. La juridiction conclut que le droit européen s’oppose à ce qu’une exonération diplomatique soit subordonnée à l’utilisation exclusive de moyens de paiement scripturaux. Cette décision renforce ainsi la protection des droits des opérateurs économiques face aux exigences nationales qui iraient au-delà des nécessités du contrôle.