La Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt préjudiciel portant sur l’interprétation des modalités de remboursement du prélèvement supplémentaire dans le secteur laitier. Cette décision examine la conformité d’une réglementation nationale fixant des critères de priorité pour la redistribution des fonds indûment perçus auprès des producteurs.
Des exploitants agricoles ont contesté le calcul des prélèvements mis à leur charge pour une période de référence donnée par une autorité publique nationale. La législation interne concernée subordonnait le remboursement prioritaire du trop-perçu à la régularité des versements mensuels effectués par l’entreprise chargée de l’achat du lait.
Le tribunal administratif a d’abord rejeté le recours en annulation formé contre la communication de l’administration nationale chargée de la gestion des marchés agricoles. Les exploitants ont ensuite saisi la juridiction administrative supérieure en soutenant que le système de restitution national violait les dispositions impératives du droit européen.
La question préjudicielle posée vise à déterminer si l’article 16 du règlement n° 595/2004 interdit d’utiliser la régularité du versement de l’acheteur comme critère de priorité. Il s’agit d’apprécier si les critères européens de redistribution du prélèvement excédentaire présentent un caractère exhaustif ou simplement indicatif pour les autorités étatiques.
La Cour juge que le droit de l’Union s’oppose à une telle priorité nationale car les critères énumérés au paragraphe 1 présentent un caractère strictement exhaustif. L’étude de la décision conduit à examiner le caractère limitatif des critères de remboursement avant d’analyser les limites imposées à la marge d’appréciation nationale.
I. L’affirmation du caractère exhaustif des critères européens de redistribution
A. Une interprétation textuelle rigoureuse de la norme communautaire
La Cour rappelle que les États membres ne peuvent prévoir de critères additionnels tant que la redistribution n’a pas épuisé le trop-perçu financier disponible. Elle précise explicitement que les catégories prioritaires doivent être établies en fonction « d’un ou de plusieurs des critères objectifs énumérés » par le texte.
Cette solution s’appuie sur le libellé même de l’article 16 du règlement qui impose un ordre de priorité précis pour chaque période de référence annuelle. Le juge européen souligne que la faculté de rembourser doit impérativement respecter les limites fixées par le cadre réglementaire commun à l’ensemble des États.
B. La préservation de l’uniformité du régime laitier commun
L’explication de la décision réside dans la volonté de garantir un traitement strictement égalitaire entre tous les producteurs au sein de l’espace économique européen. La Cour considère que les critères prévus « étaient exhaustifs » et ne permettaient pas d’ajouter des conditions tenant à la conduite propre des acheteurs.
La valeur de cette solution tient à la primauté accordée à l’interprétation uniforme du droit de l’Union sur les spécificités des procédures nationales de recouvrement. Elle empêche les administrations de détourner l’objectif de compensation des producteurs en y intégrant des impératifs liés à la discipline financière des intermédiaires.
II. L’encadrement strict de la marge de manœuvre des autorités nationales
A. L’éviction des critères discrétionnaires non prévus par le règlement
Le raisonnement juridique écarte le critère du versement mensuel régulier car celui-ci ne figure pas parmi les options offertes aux États par le règlement. La Cour affirme que « l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 595/2004 ne mentionne pas » une telle catégorie de producteurs prioritaires.
Cette position protège les droits individuels des exploitants laitiers contre des décisions nationales qui introduiraient des barrières administratives supplémentaires à l’obtention d’un remboursement. Le juge refuse de valider une pratique nationale qui lierait la situation du producteur à la responsabilité financière personnelle de l’entreprise acheteuse.
B. La portée de la décision sur la stabilité de la jurisprudence
L’arrêt confirme une ligne jurisprudentielle constante limitant la marge d’appréciation des États membres tant qu’un financement n’est pas totalement utilisé ou épuisé. La portée de cette solution oblige les autorités nationales à réviser leurs mécanismes de redistribution pour les rendre conformes aux critères européens limitatifs.
Cette décision rappelle que les évolutions législatives postérieures, offrant plus de flexibilité, ne sauraient valider rétroactivement des dispositifs nationaux adoptés sous l’ancienne réglementation. Le droit positif se trouve stabilisé par une exigence de conformité stricte aux objectifs de justice et d’équité du secteur laitier.