Par un arrêt rendu sur renvoi préjudiciel, la Cour de justice des Communautés européennes se prononce sur les règles de classement de marchandises au sein de la nomenclature combinée du tarif douanier commun. Une société importatrice de ballons de fête en matière synthétique et aluminium a sollicité un renseignement tarifaire contraignant, proposant de classer ses produits comme des « articles pour fêtes ». L’autorité douanière nationale a cependant retenu une classification en tant que « jouets », en se fondant sur un règlement de classement de la Commission européenne.
La société a contesté cette décision devant une juridiction nationale. Celle-ci, observant que les ballons en cause ne semblaient pas identiques à ceux décrits dans le règlement de la Commission, a décidé de surseoir à statuer. Elle a saisi la Cour de justice de plusieurs questions préjudicielles. Il était demandé à la Cour, en substance, de se prononcer sur la validité du règlement de classement émis par la Commission, et de déterminer si ce règlement pouvait s’appliquer à des produits similaires mais non identiques à ceux qu’il vise. La question centrale était donc de savoir si un ballon conçu pour un usage festif devait être classé comme un jouet et si un règlement de classement pouvait être appliqué par analogie.
La Cour de justice répond que l’examen de l’affaire n’a pas révélé d’éléments de nature à affecter la validité du règlement. Elle ajoute que le classement décidé par la Commission est applicable par analogie aux ballons en cause, bien que leur composition matérielle soit inversée par rapport à la description du règlement. La solution de la Cour repose sur une double démarche. Elle consiste d’abord à conforter l’approche de la Commission quant à la nature du produit (I), pour ensuite en étendre le bénéfice à des marchandises analogues par un raisonnement pragmatique (II).
I. La confirmation de la qualification de jouet au détriment de celle d’article de fête
La Cour de justice valide la classification de la Commission en se fondant sur une appréciation de la fonction principale du produit. Pour ce faire, elle rappelle d’abord le critère déterminant de la destination essentielle du produit (A), avant de confirmer la validité du règlement de classement qui en découle (B).
A. Le critère de la destination essentielle du produit
La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle « le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives ». Dans ce cadre, la destination du produit est un critère pertinent pour autant qu’elle soit inhérente à celui-ci. La Cour précise que cette inhérence doit pouvoir « s’apprécier en fonction des caractéristiques et propriétés objectives de ce dernier ». Ainsi, même si les ballons peuvent être utilisés comme des articles décoratifs pour des fêtes, cette circonstance ne suffit pas à exclure une autre qualification.
La Cour souligne qu’il n’est pas nécessaire qu’un produit soit exclusivement destiné à une seule utilisation pour être classé en fonction de celle-ci. Il suffit que cette utilisation constitue sa « destination essentielle ». La possibilité d’un usage alternatif comme article de fête ne prévaut donc pas sur sa nature fondamentale de jouet. Cette approche pragmatique permet d’éviter que la simple évocation d’un usage secondaire ne permette de contourner une classification tarifaire.
B. La validité du règlement de classement de la Commission
Forte de ce principe, la Cour examine la validité du règlement de la Commission qui classait des ballons similaires dans la catégorie des jouets. La Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour préciser le contenu des positions tarifaires, sans toutefois pouvoir en modifier la portée. La Cour estime que la Commission n’a pas outrepassé ses compétences. En effet, la notion de jouet, au sens de la position 9503, vise un objet « destiné essentiellement à l’amusement des personnes ».
Or, la Cour constate que les ballons en cause présentent bien cette caractéristique. Leur faible résistance ou leur flottement dans l’air « n’empêchent pas, notamment, les enfants de s’amuser et de jouer avec ces objets ». La Cour s’appuie également sur les notes explicatives du Système Harmonisé, qui, bien que n’ayant pas de force obligatoire, incluent les « ballonnets » dans la catégorie des jouets. Par conséquent, la Commission a légitimement pu considérer que la fonction d’amusement primait et classer les ballons comme des jouets.
II. L’extension de la portée du règlement de classement par l’application analogique
Après avoir conforté la validité du règlement, la Cour se penche sur son champ d’application. Elle consacre une méthode d’interprétation extensive pour garantir l’uniformité du droit douanier (A), et l’applique concrètement au cas d’espèce en minimisant les différences matérielles entre les produits (B).
A. La consécration de l’application par analogie pour l’unité du droit douanier
Le produit en cause dans le litige principal n’était pas strictement identique à celui décrit dans le règlement de classement. La feuille de matière plastique formait l’intérieur du ballon, alors qu’elle formait l’extérieur dans la description du règlement. La Cour reconnaît donc que le règlement n’est pas directement applicable. Cependant, elle rappelle un principe essentiel de l’interprétation du droit douanier européen.
Elle juge que « l’application par analogie d’un règlement de classement […] aux produits analogues à ceux visés par ce règlement favorise une interprétation cohérente de la nc ainsi que l’égalité de traitement des opérateurs ». Cette solution permet d’assurer une application uniforme de la nomenclature combinée sur tout le territoire de l’Union. Elle empêche que des opérateurs économiques ne bénéficient de traitements différenciés pour des produits substantiellement similaires. La sécurité juridique et l’égalité de traitement justifient donc de dépasser une lecture strictement littérale des règlements de classement.
B. L’application de l’analogie à une simple inversion de matériaux
La Cour applique ce principe de manière très concrète. Elle observe que « la seule divergence entre le produit en cause et celui visé par la description contenue au point 3 du tableau […] consiste en une simple inversion des matériaux composant le produit ». Elle en déduit que les caractéristiques principales du ballon ne sont pas affectées par cette différence de conception. La fonction d’amusement, la forme et l’usage restent identiques.
Dès lors, la différence constatée est jugée trop mineure pour justifier une classification douanière distincte. Le règlement de classement est donc déclaré applicable par analogie. Cette approche, qui privilégie la substance sur la forme, est pragmatique. Elle empêche qu’une modification technique infime ne permette à un produit d’échapper à une classification établie pour des produits analogues. En conséquence, la Cour étend la portée de la norme pour préserver son efficacité et la cohérence du système tarifaire.