Cour de justice de l’Union européenne, le 13 juillet 2017, n°C-433/16

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 13 juillet 2017, une décision fondamentale pour le contentieux des dessins et modèles communautaires. Une société établie en Italie a engagé une procédure contre un constructeur automobile allemand pour faire constater l’absence de contrefaçon de certains modèles. Le demandeur invoquait également un abus de position dominante ainsi que des actes de concurrence déloyale devant le Tribunale di Napoli, en Italie. La partie défenderesse a soulevé l’incompétence du juge saisi dès son premier acte de défense, tout en présentant des arguments subsidiaires sur le fond. Le juge italien a sursis à statuer afin d’interroger la Cour de justice sur l’interprétation des règlements n o 44/2001 et n o 6/2002. La question posée visait à déterminer si le for de la responsabilité délictuelle pouvait être utilisé pour une action en constatation de non-contrefaçon. La Cour analyse d’abord les conditions de la prorogation de compétence avant de définir les règles applicables à l’action négative et ses demandes connexes.

I. La primauté du for du domicile du défendeur pour les actions en non-contrefaçon

A. L’exclusion d’une prorogation de compétence par une défense au fond subsidiaire

L’article 24 du règlement n o 44/2001 établit une compétence fondée sur la comparution du défendeur si celui-ci ne conteste pas la juridiction saisie. La Cour juge qu’une exception d’incompétence soulevée de manière subsidiaire par rapport à d’autres moyens « ne saurait être considérée comme une acceptation ». Cette solution protège le droit du défendeur de contester la compétence sans renoncer à organiser sa défense sur le fond du litige présenté. Cette volonté de contester la compétence prime sur l’organisation subsidiaire de la défense au fond, orientant ainsi l’analyse vers le for normalement compétent.

B. L’inapplicabilité du for de la responsabilité délictuelle au litige principal

Les actions en constatation de non-contrefaçon visées à l’article 81 du règlement n o 6/2002 obéissent à un régime de compétence spécifique et autonome. Le juge européen affirme que ces actions « doivent, lorsque le défendeur a son domicile dans un État membre, être portées devant ses tribunaux ». L’arrêt écarte l’application de l’article 5, point 3, du règlement n o 44/2001 qui permet pourtant de saisir le juge du lieu du dommage. Cette exclusion repose sur la nature de l’action qui ne vise pas la réparation d’un préjudice subi mais l’établissement de l’absence de violation. La dérogation aux règles générales de compétence délictuelle prépare alors l’examen de la portée de cette solution sur l’ensemble des prétentions formulées.

II. L’unification du régime de compétence pour les demandes connexes

A. La concentration du contentieux pour garantir la sécurité juridique des opérateurs

La Cour valorise la prévisibilité des solutions juridiques en imposant un for unique pour contester la portée d’un dessin ou modèle communautaire enregistré. La solution retenue empêche le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle d’être attrait devant une juridiction étrangère sur le seul fondement de la causalité. Le droit des dessins et modèles dispose d’un système complet de protection dont les règles de compétence dérogent nécessairement aux principes du droit commun. Cette recherche de cohérence processuelle justifie que le sort des demandes accessoires soit lié à celui de la demande principale portant sur le titre.

B. L’attraction des demandes en concurrence déloyale par l’action principale en non-contrefaçon

L’arrêt étend cette compétence exclusive aux demandes de constatation d’abus de position dominante lorsqu’elles sont étroitement liées à l’action principale en non-contrefaçon. La règle de compétence délictuelle ne s’applique pas si le succès de la demande connexe « présuppose d’accueillir cette action en constatation de non-contrefaçon ». La Cour de justice garantit ainsi une unité de jugement indispensable pour éviter des décisions contradictoires sur des faits matériellement identiques entre parties. Le règlement du litige est alors globalisé devant les tribunaux des dessins ou modèles communautaires du domicile de la partie défenderesse visée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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