Cour de justice de l’Union européenne, le 13 juillet 2017, n°C-633/15

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision précisant le régime d’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux prestations de services liées au sport. Cette décision a été rendue dans le cadre d’un litige opposant un organisme de droit public à l’administration fiscale de son État membre. L’administration fiscale avait refusé d’accorder à cet organisme une exonération de taxe pour ses services, au motif que ces derniers étaient susceptibles de créer des distorsions de concurrence. La juridiction nationale, saisie du litige, a alors interrogé la Cour sur la compatibilité d’une telle réglementation nationale avec la directive 2006/112. Le problème de droit soulevé portait sur la faculté pour un État membre de subordonner l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée, pour les prestations sportives fournies par des organismes publics, à une condition de non-distorsion de la concurrence. Il s’agissait également de déterminer si cette condition pouvait être appliquée de manière différenciée entre les organismes de droit public et les organismes de droit privé sans but lucratif. La Cour de justice a répondu que les États membres disposent bien de la faculté de soumettre les organismes publics à une telle condition, mais qu’ils ne peuvent le faire de façon discriminatoire. Ainsi, la Cour admet la faculté pour les États de conditionner l’exonération pour les entités publiques (I), tout en censurant fermement toute rupture d’égalité de traitement au nom du principe de neutralité fiscale (II).

I. La faculté reconnue aux États membres de conditionner l’exonération des organismes publics

La Cour de justice de l’Union européenne clarifie d’abord la marge de manœuvre dont disposent les États membres pour encadrer l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée des services sportifs. Elle interprète pour cela de manière extensive les dispositions de l’article 133 de la directive (A), ce qui aboutit à une lecture souple des obligations pesant sur les États (B).

A. L’interprétation de la clause de maintien des conditions d’exonération

La Cour analyse la portée du second alinéa de l’article 133 de la directive, qui autorise les États membres à subordonner l’octroi de l’exonération pour les organismes de droit public au respect de certaines conditions, dont celle relative à l’absence de distorsion de concurrence. La question était de savoir si un État pouvait imposer cette condition alors même que, par le passé, il n’assujettissait pas systématiquement de telles prestations à la taxe. La Cour répond par l’affirmative, considérant que l’article 133, second alinéa, « ne s’oppose pas à la réglementation d’un État membre subordonnant au respect de la condition prévue à l’article 133, premier alinéa, sous d), de cette directive, l’octroi de l’exonération ». Cette position valide l’approche de l’État membre concerné, confirmant que l’historique fiscal partiel ne fait pas obstacle à l’application de conditions restrictives. Le raisonnement de la Cour permet ainsi aux États de conserver un levier de régulation sur les exonérations accordées aux entités publiques.

B. Une application souple au profit de la régulation étatique

En validant la possibilité pour un État d’imposer la condition de non-distorsion de concurrence à un organisme public, la Cour opte pour une lecture pragmatique des textes. Elle reconnaît qu’un État membre peut ajuster son régime d’exonération sans être entièrement lié par ses pratiques fiscales antérieures au 1er janvier 1989. Cette solution offre une sécurité juridique aux administrations nationales qui souhaitent s’assurer que l’exonération accordée aux services sportifs fournis par le secteur public ne vient pas fausser le jeu de la concurrence. La flexibilité ainsi accordée permet de tenir compte des évolutions du marché et d’éviter que des organismes publics ne bénéficient d’un avantage fiscal injustifié par rapport à des opérateurs privés. Cependant, la Cour encadre strictement cette latitude, en la soumettant au respect des principes fondamentaux du système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

II. La sanction de la rupture d’égalité au regard du principe de neutralité fiscale

Si la Cour reconnaît une marge de manœuvre aux États, elle la limite aussitôt par l’application rigoureuse du principe de neutralité fiscale. Elle constate ainsi que la réglementation nationale instaure une discrimination injustifiée entre opérateurs (A), ce qui la conduit à réaffirmer la primauté de ce principe comme borne au pouvoir des États membres (B).

A. La constatation d’une application discriminatoire de la condition de non-distorsion

La Cour examine ensuite la seconde question, qui porte sur la légalité d’une réglementation nationale appliquant la condition de non-distorsion de concurrence uniquement aux organismes de droit public, à l’exclusion des organismes privés sans but lucratif. Sur ce point, sa position est sans équivoque. Elle juge que l’article 133 de la directive « s’oppose à une réglementation nationale […] en ce que celle-ci subordonne au respect de la condition […] l’octroi de l’exonération de TVA aux organismes sans but lucratif de droit public […] sans appliquer également cette condition aux organismes sans but lucratif autres que ceux de droit public ». La Cour considère que des prestations de services identiques ou similaires, du point de vue du consommateur, doivent être soumises au même régime de taxe, quelle que soit la forme juridique du prestataire. En réservant une condition plus stricte aux seuls organismes publics, l’État membre a violé le principe de neutralité fiscale.

B. La portée du principe de neutralité fiscale comme limite au pouvoir des États

Cette décision réaffirme avec force la portée du principe de neutralité fiscale en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Ce principe, qui n’est pas expressément mentionné dans la directive mais qui est inhérent à son système, interdit de traiter différemment des opérateurs économiques qui se trouvent en situation de concurrence. En l’espèce, un organisme public et un organisme privé sans but lucratif fournissant des services sportifs sont des concurrents directs. Leur imposer des conditions d’exonération différentes constitue une rupture d’égalité que le système commun de taxe ne saurait tolérer. La Cour rappelle ainsi que la faculté pour les États membres d’aménager les régimes d’exonération ne leur permet pas de créer des distorsions arbitraires sur le marché. Cette solution garantit une application uniforme du droit de l’Union et protège l’intégrité du marché intérieur en assurant des conditions de concurrence équitables entre tous les opérateurs.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture