Cour de justice de l’Union européenne, le 13 juin 2013, n°C-287/12

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 13 juin 2014, une décision fondamentale relative au régime juridique des aides d’État. Cette affaire concerne la compatibilité avec le marché intérieur de mesures de soutien financier octroyées par un État membre au profit d’une compagnie aérienne nationale.

Un État membre a consenti un prêt de trois cents millions d’euros à une entreprise de transport aérien avant de placer celle-ci sous administration extraordinaire. Le ministère des Finances a ensuite lancé une procédure de cession des actifs de la société en difficulté pour assurer la continuité du service public. L’autorité de concurrence a qualifié le prêt initial d’aide d’État illégale tout en considérant que la vente ultérieure des actifs au prix du marché excluait tout avantage. Une compagnie aérienne concurrente a déposé plusieurs plaintes pour dénoncer l’existence d’aides non notifiées et l’insuffisance de l’examen mené par l’institution européenne.

Saisi d’un recours en annulation contre les décisions de l’autorité de concurrence, le Tribunal de l’Union européenne a rejeté la demande par un arrêt du 28 mars 2012. La requérante a alors formé un pourvoi devant la Cour de justice en invoquant sept moyens tirés d’erreurs de droit et de défauts de motivation. Elle critique notamment la possibilité pour l’autorité de concurrence d’adopter une décision positive assortie d’engagements sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue par les traités. La société requérante soutient également que la vente des actifs comportait une aide indirecte en raison des conditions de continuité de service imposées lors de la cession.

Le litige pose la question de la validité d’une décision d’examen préliminaire intégrant des engagements volontaires et de la définition du prix du marché lors d’une cession. La Cour de justice rejette l’intégralité du pourvoi en confirmant la légalité de la démarche suivie par l’institution lors de la phase liminaire d’enquête. Le juge de l’Union valide l’appréciation selon laquelle l’absence de continuité économique entre le cédant et l’acquéreur interdit le transfert de l’obligation de récupération de l’aide.

I. La validation procédurale des décisions fondées sur des engagements volontaires

A. La qualification juridique de la décision d’examen préliminaire

La Cour confirme qu’une décision prise après un examen liminaire peut légalement intégrer des engagements souscrits par l’État membre pour clarifier la mesure notifiée. Le juge précise que cet acte constitue une « décision tenant compte des engagements comportementaux pris volontairement par l’État lors de la phase de notification de la mesure litigieuse ». Cette interprétation exclut la qualification de décision conditionnelle qui nécessiterait l’ouverture préalable d’une procédure formelle d’examen approfondie pour surmonter des difficultés sérieuses.

L’institution européenne dispose de la faculté d’adapter sa position initiale en fonction du dialogue engagé avec les autorités nationales lors de la phase préliminaire. Ce processus de coopération loyale permet de s’assurer que la mesure, telle que précisée, ne suscite plus de doutes quant à sa nature d’aide. Les engagements font ainsi partie intégrante de la mesure notifiée sans pour autant démontrer l’existence de doutes insurmontables imposant une enquête plus longue.

B. La préservation du contrôle juridictionnel sur les droits procéduraux

Le juge de l’Union veille à ce que la qualification de la procédure n’affecte pas la recevabilité des recours formés par les parties intéressées. La qualité de concurrent suffit pour individualiser le requérant qui conteste une décision de ne pas soulever d’objections au terme d’un examen sommaire. Cette protection permet aux tiers de démontrer que l’autorité de concurrence aurait dû éprouver des doutes justifiant l’ouverture d’un examen formel.

Le Tribunal a valablement examiné l’ensemble des arguments de fond pour vérifier s’ils révélaient des erreurs manifestes d’appréciation de la part de l’autorité de contrôle. Cette méthode garantit le respect des droits procéduraux des concurrents sans transformer artificiellement l’objet du recours en une analyse exclusive sur le fond. La Cour valide cette approche qui concilie l’efficacité de l’examen préliminaire avec l’exigence d’un contrôle juridictionnel effectif sur les garanties offertes aux tiers.

II. L’application rigoureuse du critère de l’investisseur privé en économie de marché

A. La primauté du prix sur l’exigence de continuité du service public

L’analyse de la cession d’actifs repose sur la vérification de l’absence d’avantage économique par l’application du principe de l’investisseur privé opérant en économie de marché. La Cour relève que « le critère de continuité du service était un critère secondaire par rapport à celui du prix » dans l’évaluation des offres. La désignation d’un expert indépendant pour valider la conformité du prix de vente au prix du marché constitue une garantie suffisante d’absence d’aide.

L’obligation d’assurer la permanence du transport aérien ne constitue pas nécessairement une charge de service public susceptible de diminuer la valeur réelle des actifs cédés. La requérante n’a pas rapporté la preuve que cette exigence aurait conduit à une réduction du prix de cession en dessous du niveau du marché. Dès lors que la valeur d’échange est respectée, l’autorité de contrôle n’est pas tenue d’examiner d’autres options de liquidation ou de restructuration.

B. L’exclusion d’un transfert de l’obligation de récupération de l’aide

La décision confirme qu’il n’existe pas de continuité économique entre l’entreprise bénéficiaire du prêt initial et le consortium ayant racheté une partie de ses actifs. Le cessionnaire n’a repris qu’une fraction limitée de la flotte et des créneaux horaires, tout en appliquant sa propre stratégie commerciale et de nouveaux contrats. Cette rupture opérationnelle et juridique interdit de considérer le repreneur comme le successeur économique devant rembourser l’aide illégale perçue par le cédant.

Le juge de l’Union valide les constatations factuelles du Tribunal concernant l’absence d’identité entre les actionnaires des deux structures commerciales impliquées dans la cession. La procédure de vente sous contrôle d’un commissaire extraordinaire garantit que l’avantage pécuniaire lié au prêt ne s’est pas transmis au nouvel exploitant. Cette solution sécurise les restructurations d’entreprises en difficulté en limitant la portée de la récupération de l’aide aux seuls bénéficiaires effectifs de l’avantage.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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