Cour de justice de l’Union européenne, le 13 juin 2013, n°C-386/11

La Cour de justice de l’Union européenne, saisie d’une question préjudicielle, rend une décision fondamentale relative au droit des marchés publics le treize juin deux mille treize. Cette affaire trouve son origine dans le projet de convention par lequel un groupement de communes délègue le nettoyage de ses bâtiments à une ville membre. Le litige naît lorsqu’un prestataire de services privé conteste la validité de ce transfert, réalisé sans publicité, devant les juridictions de l’ordre judiciaire allemand. Le Tribunal régional supérieur de Düsseldorf, saisi en appel, décide d’interroger le juge européen afin de déterminer si ce contrat constitue un marché public. La question porte sur le point de savoir si un accord entre deux autorités publiques, prévoyant une indemnisation des frais, relève de la directive de coordination. Le juge communautaire répond que la prestation de nettoyage, effectuée moyennant rémunération, doit faire l’objet d’une mise en concurrence conforme aux principes du droit européen. L’analyse de cette solution impose d’étudier la caractérisation du marché public de services avant d’envisager le rejet des exceptions liées à l’organisation administrative interne.

**I. La caractérisation rigoureuse du marché public de services**

**A. La réunion des éléments constitutifs du contrat onéreux**

Le droit de l’Union définit le marché public comme un contrat conclu par écrit entre un opérateur économique et un pouvoir adjudicateur à titre onéreux. En l’espèce, la prestation de nettoyage de bâtiments administratifs et scolaires relève expressément des services mentionnés par les annexes de la directive de coordination. La Cour précise que « les marchés publics sont des contrats à titre onéreux conclus par écrit entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs ». Cette interprétation garantit que tout transfert de ressources publiques en échange d’une prestation technique soit soumis aux principes fondamentaux de transparence et d’égalité. L’existence d’une compensation financière calculée sur un taux horaire suffit donc à caractériser le caractère onéreux de la relation contractuelle entre les autorités.

**B. L’indifférence du statut public du cocontractant**

Le juge communautaire précise que le statut d’organisme de droit public du prestataire n’exclut pas, par principe, l’application des règles de la commande publique. Il est sans incidence que l’entité concernée ne poursuive pas de but lucratif ou ne possède pas la structure juridique classique d’une entreprise commerciale. La directive s’applique dès lors qu’un opérateur économique, quelle que soit sa forme, offre des services sur le marché en échange d’une contrepartie financière. En conséquence, le choix d’un instrument de droit public pour formaliser l’accord ne saurait soustraire la convention aux exigences de la libre concurrence. Cette solution confirme la primauté de l’objet du contrat sur la qualité des parties contractantes, rendant nécessaire l’examen des dérogations admises par la jurisprudence.

**II. Le rejet motivé des exceptions aux procédures de passation**

**A. L’inapplicabilité de la théorie de la gestion interne**

L’exception de quasi-régie suppose que le pouvoir adjudicateur exerce sur son cocontractant un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services internes. Or, la juridiction de renvoi constate qu’aucune relation de subordination ou de détention capitalistique n’existe entre le groupement de communes et la ville prestataire. L’entité qui confie la tâche ne dispose pas de pouvoirs de direction suffisants pour assimiler l’autre autorité publique à un simple prolongement administratif. Le simple droit de résiliation unilatérale en cas de mauvaise exécution ne saurait constituer un contrôle de nature organique au sens de la jurisprudence. De plus, le prestataire ne réalise pas l’essentiel de son activité pour le donneur d’ordre, ce qui empêche de retenir la qualification de prestation intégrée.

**B. L’absence de véritable coopération horizontale**

Les autorités publiques peuvent coopérer pour assurer une mission de service public commune sans passer par une procédure de marché sous certaines conditions strictes. Le juge relève que le projet litigieux ne semble pas « instaurer une coopération entre les entités publiques contractantes en vue de la mise en œuvre ». La Cour souligne que le contrat doit être uniquement régi par des considérations et des exigences propres à la poursuite d’objectifs d’intérêt public. La faculté laissée au prestataire de recourir à des tiers privés risque d’avantager indûment certaines entreprises par rapport à leurs concurrents sur le marché. L’arrêt conclut que le transfert d’une compétence strictement limitée, concernant des activités accessoires, doit respecter les obligations de publicité pour préserver l’efficacité du droit.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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