Cour de justice de l’Union européenne, le 13 mai 2015, n°C-182/13

La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision rendue le 13 mai 2015, précise la notion d’établissement dans le cadre des licenciements collectifs. Un employeur exploitant plusieurs points de vente a procédé à des licenciements massifs sans engager de procédure de consultation préalable avec les représentants. Les salariés concernés travaillaient dans des magasins comptant moins de vingt employés, bien que le nombre total de licenciements fût supérieur au niveau national. Le tribunal du travail de Belfast, par une décision du 26 mars 2013, a sollicité une interprétation préjudicielle concernant les modalités de calcul des seuils européens. La juridiction de renvoi interrogeait la Cour sur l’obligation de cumuler les licenciements intervenus dans l’ensemble de l’entreprise ou au sein de chaque unité. La Cour a jugé que la notion d’établissement désigne l’unité locale d’affectation et que les États peuvent calculer les seuils par entité séparée. L’étude du caractère local de l’affectation des travailleurs précédera l’analyse des limites apportées à la protection sociale par cette interprétation décentralisée.

I. L’unité locale d’affectation comme critère de l’établissement

A. La confirmation d’une définition fonctionnelle de l’entité

La Cour rappelle que la notion d’établissement constitue une notion autonome du droit de l’Union ne dépendant pas des législations nationales respectives. Elle définit l’établissement comme « l’unité à laquelle les travailleurs concernés par le licenciement sont affectés pour exercer leur tâche » de manière habituelle. Cette interprétation fonctionnelle privilégie le lien concret entre le salarié et sa structure d’accueil au détriment d’une approche purement juridique ou financière. L’absence d’autonomie de direction ou de gestion n’interdit pas de qualifier une simple succursale d’établissement au sens de la directive européenne. Cette approche organique de l’unité de travail permet de garantir une application uniforme des seuils de protection sur tout le territoire.

B. L’uniformité des critères de calcul des seuils sociaux

Le juge européen estime que la notion d’établissement doit recevoir une interprétation identique quelle que soit l’option de calcul choisie par l’État. Les deux variantes prévues par la directive constituent des alternatives substantiellement équivalentes destinées à assurer une protection comparable des droits des travailleurs. Un établissement désigne donc une entité distincte présentant une stabilité suffisante et disposant d’un ensemble de travailleurs ainsi que de moyens techniques propres. Le nombre de licenciements s’apprécie au regard de cette seule unité locale sans qu’il soit nécessaire de cumuler les effectifs de l’entreprise. Cette délimitation géographique de l’établissement influence directement l’étendue des obligations pesant sur les employeurs lors de restructurations économiques.

II. Les limites de la protection européenne face aux structures décentralisées

A. La recherche d’un équilibre entre protection sociale et contraintes économiques

L’interprétation retenue évite d’imposer des procédures d’information et de consultation complexes pour le licenciement d’un unique travailleur isolé dans une structure locale. La Cour souligne que la directive vise à rapprocher les charges pesant sur les entreprises tout en garantissant une défense efficace des intérêts salariés. Une lecture trop large de la notion d’établissement porterait atteinte à la prévisibilité juridique et aux objectifs de fonctionnement harmonieux du marché intérieur. Les licenciements collectifs s’entendent ainsi de manière usuelle comme des ruptures de contrats affectant un groupe identifié au sein d’une même communauté. Cette rigueur interprétative n’empêche toutefois pas le maintien d’une certaine autonomie législative au profit d’un droit du travail national renforcé.

B. La préservation d’une compétence étatique pour un droit plus protecteur

Bien que la Cour impose une définition stricte de l’établissement, elle rappelle que la directive n’instaure qu’un socle de protection sociale minimale. L’article 5 de ce texte permet aux États membres d’appliquer des dispositions législatives ou administratives plus favorables aux travailleurs en cas de restructuration. Les autorités nationales conservent ainsi la faculté d’imposer le calcul des licenciements à l’échelle de l’entreprise entière pour déclencher les procédures de consultation. La décision commentée fixe le cadre de l’harmonisation européenne sans toutefois restreindre les ambitions sociales supérieures que pourraient porter les législateurs nationaux. Chaque État membre reste libre d’accroître la protection des salariés en s’écartant d’une vision purement comptable de l’unité locale d’emploi.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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