La Cour de justice de l’Union européenne, réunie en grande chambre, a rendu le 13 mars 2012 une décision relative aux mesures restrictives prises contre certains organismes. Un établissement financier de droit britannique, filiale intégrale d’une banque contrôlée par un État tiers, contestait le gel de ses avoirs financiers. Le Conseil avait ordonné cette mesure au motif que l’entité mère participait au financement de programmes nucléaires sensibles. Après un rejet initial de son recours par le Tribunal, la société a formé un pourvoi devant la juridiction supérieure. Elle soutenait que le Conseil disposait d’un pouvoir d’appréciation et devait vérifier sa participation effective aux activités litigieuses. La question posée portait sur la légalité d’un gel automatique des fonds fondé uniquement sur le lien de détention en capital. La Cour a confirmé la validité de la mesure, jugeant que le contrôle de l’entité mère justifie la contrainte imposée à la filiale. L’étude de cette systématisation du gel par le lien de détention précèdera l’analyse de la proportionnalité du dispositif de prévention du contournement.
I. La systématisation du gel des fonds par le lien de détention capitalistique
A. La constatation objective de la qualité d’entité détenue
La Cour interprète strictement le règlement applicable pour déterminer les obligations pesant sur l’autorité décisionnelle lors de l’inscription sur les listes de sanctions. Elle relève que « l’adoption d’une mesure de gel des fonds s’impose à l’égard d’une entité reconnue par le Conseil comme étant détenue ou contrôlée ». Cette approche privilégie une lecture littérale des dispositions afin d’assurer une application uniforme des mesures restrictives au sein de l’Union. Le juge souligne que la qualité d’entité détenue fait l’objet d’une vérification au cas par cas selon l’intensité du contrôle exercé. Dès lors que la détention intégrale est établie, le Conseil se trouve dans une situation de compétence liée.
B. L’exclusion d’une appréciation du comportement autonome de la filiale
La solution retenue écarte la nécessité pour l’administration de démontrer une implication directe de la filiale dans les activités de prolifération nucléaire. Le juge précise que le gel « n’a pas à être motivé par le fait que l’entité détenue ou contrôlée participe elle-même à cette prolifération ». Cette interprétation protège l’objectif de sécurité internationale en évitant des enquêtes individuelles complexes sur chaque transaction financière. La présomption de risque découle directement de la structure capitalistique liant la société locale à son entité mère étrangère. Cette rigueur juridique vise à neutraliser toute capacité financière de l’ensemble du groupe. L’efficacité du dispositif repose alors sur une présomption de risque de contournement.
II. La proportionnalité du dispositif de prévention du contournement des sanctions
A. La sauvegarde de l’effet utile des mesures restrictives internationales
Le raisonnement de la Cour s’appuie sur l’impératif de prévenir toute manœuvre visant à vider de sa substance le gel des avoirs de l’entité mère. Elle considère qu’il existe un « risque non négligeable » que l’organisme principal exerce une pression sur ses filiales pour contourner les mesures. Le gel des fonds est ainsi jugé « nécessaire et approprié pour assurer l’efficacité des mesures adoptées et garantir que ces mesures ne seront pas contournées ». Les mesures alternatives de surveillance préventive sont écartées car elles ne présentent pas les mêmes garanties de sécurité immédiate. La primauté de la paix internationale justifie une restriction sévère des libertés économiques.
B. La validation de la motivation simplifiée de l’acte de gel
La juridiction européenne valide la teneur des motifs fournis par le Conseil pour justifier l’atteinte portée aux intérêts de l’établissement bancaire concerné. Elle estime que la simple mention de la qualité de filiale constitue une motivation suffisante au regard des circonstances de l’espèce. Le juge affirme que « la mention de la requérante comme filiale de l’entité mère, fait nécessairement connu, était suffisante » pour éclairer la base légale. Cette position assouplit les exigences formelles lorsque les faits sous-jacents ne sont pas sérieusement contestés par les parties. La protection des droits de la défense demeure assurée par la possibilité pour l’intéressé de contester la réalité du contrôle.