La Cour de justice a été amenée à se prononcer sur les obligations des États membres en matière de passation des marchés publics. En l’espèce, une collectivité territoriale avait attribué un contrat pour la conception et la réalisation d’une infrastructure de transport public. La procédure suivie pour cette attribution n’était pas conforme aux règles prévues par la directive européenne applicable aux marchés publics de travaux. Saisie par la Commission européenne, la Cour devait donc déterminer si le comportement de cette entité infra-étatique pouvait constituer un manquement imputable à l’État membre lui-même. La Cour a constaté que le non-respect de la procédure constituait une violation des obligations découlant de la directive. Elle a ainsi déclaré que l’État membre avait manqué à ses engagements au titre du droit de l’Union. Cette décision rappelle utilement que la responsabilité d’un État peut être engagée du fait des actions de ses collectivités (I), tout en confirmant la portée de l’obligation de respecter les procédures de mise en concurrence (II).
I. L’imputation du manquement à l’État membre
L’arrêt établit sans ambiguïté la responsabilité de l’État du fait de l’action de l’une de ses collectivités (A), caractérisant ainsi une méconnaissance directe du droit de l’Union (B).
A. Le principe de l’unité de l’État
La Cour de justice considère l’État membre comme un bloc unique sur la scène de l’Union. Son organisation interne, qu’elle soit fédérale, régionale ou décentralisée, est sans incidence sur ses obligations. Ainsi, les agissements de toute entité publique, y compris une autorité locale, sont considérés comme des actes de l’État lui-même. En l’espèce, la décision de la municipalité d’ignorer les procédures prévues par la directive est directement attribuée à l’État dont elle relève. Ce dernier ne peut donc invoquer son organisation administrative pour se soustraire à sa responsabilité. Cette approche garantit une application uniforme du droit de l’Union sur l’ensemble de son territoire.
B. La violation caractérisée du droit des marchés publics
Le manquement est constitué par le choix d’une procédure d’attribution non conforme aux exigences européennes. La Cour relève en effet que la collectivité a attribué le marché « au moyen d’une procédure autre que celles prévues pour la passation des marchés publics de travaux par la directive 93/37/CEE ». Or, cette directive vise à assurer la transparence, la non-discrimination entre les opérateurs économiques et une mise en concurrence effective. Le recours à une procédure dérogatoire porte atteinte aux objectifs fondamentaux du marché intérieur. La Cour confirme ainsi que la simple inobservation formelle des règles de passation suffit à caractériser la violation, sans qu’il soit nécessaire de démontrer une intention ou un préjudice.
La solution, qui réaffirme une jurisprudence constante, souligne le rôle de gardien du droit de l’Union joué par la Cour. Elle rappelle également aux États la nécessité de veiller à la correcte application des normes européennes par l’ensemble de leurs administrations.
II. La portée de la sanction du manquement
Cette décision s’inscrit dans une logique jurisprudentielle bien établie (A) et emporte des conséquences importantes pour toutes les entités adjudicatrices nationales (B).
A. Une solution orthodoxe au service de la primauté
La condamnation prononcée par la Cour n’est pas novatrice mais confirme avec fermeté la portée du contentieux en manquement. Elle illustre le principe de primauté du droit de l’Union, qui impose à toutes les autorités nationales de se conformer aux directives. La Cour agit ici comme le garant de l’effectivité de ce droit, en sanctionnant objectivement tout écart par rapport à la norme. La décision a une valeur pédagogique, rappelant que nul ne peut ignorer les règles communes sans exposer l’État membre à une condamnation. Cette orthodoxie juridique est essentielle pour maintenir la confiance mutuelle entre les États et la cohérence de l’ordre juridique de l’Union.
B. Un avertissement pour les pouvoirs adjudicateurs
La portée de cet arrêt dépasse le cas d’espèce et s’adresse à l’ensemble des pouvoirs adjudicateurs au sein de l’Union. Il signifie qu’aucune autorité publique, quelle que soit sa taille ou son niveau d’autonomie, ne peut s’affranchir des règles de mise en concurrence. Cette solution renforce la sécurité juridique pour les entreprises, qui peuvent légitimement s’attendre à ce que les procédures de marchés publics soient appliquées de manière uniforme sur tout le territoire de l’Union. Elle incite par ailleurs les États membres à renforcer leurs mécanismes de contrôle interne pour prévenir de telles violations et assurer une transposition et une application effectives du droit européen.