La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le treize novembre deux mille dix-huit, une décision majeure concernant l’extradition des citoyens européens. Un ressortissant d’un État membre résidant dans un autre pays de l’Union faisait l’objet d’une demande d’extradition émanant d’un État tiers. Cette demande visait l’exécution d’une peine privative de liberté prononcée pour une infraction liée au trafic de produits stupéfiants. Saisie d’une demande d’avis, la Cour suprême nationale a interrogé la juridiction de l’Union sur la conformité de sa législation avec les traités. La question de droit portait sur l’interprétation des articles dix-huit et vingt et un du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Les juges luxembourgeois devaient déterminer si l’interdiction de discrimination imposait de traiter identiquement les nationaux et les résidents permanents étrangers. La Cour affirme que l’État requis doit assurer un traitement identique au citoyen européen dès lors qu’il réside de manière permanente sur son territoire. L’étude portera d’abord sur l’extension de la protection du citoyen mobile avant d’analyser l’assimilation du résident permanent au ressortissant national.
I. L’extension du champ d’application de la protection du citoyen mobile
A. L’application des principes de non-discrimination et de libre circulation
Le citoyen de l’Union ayant exercé son droit de séjourner dans un autre État membre bénéficie pleinement du principe de non-discrimination. La Cour rappelle qu’un tel ressortissant « a fait usage de sa liberté de circulation, de sorte que sa situation relève du champ d’application de l’article 18 TFUE ». Une règle nationale qui interdit l’extradition des seuls nationaux introduit une différence de traitement préjudiciable aux ressortissants des autres États membres. Cette inégalité de traitement entre ressortissants impose d’interroger la finalité des procédures d’extradition au regard de la jurisprudence antérieure.
B. La transposition de la jurisprudence antérieure à l’exécution des peines
La juridiction de l’Union étend les principes dégagés pour les poursuites pénales au stade de l’exécution d’une condamnation devenue définitive. Elle admet que l’objectif d’éviter le risque d’impunité des personnes ayant commis une infraction constitue une considération objectivement légitime. Toutefois, l’extradition ne peut être ordonnée que si elle demeure proportionnée et si l’objectif ne peut être atteint par des mesures moins restrictives. Le passage des poursuites pénales à l’exécution des peines conduit alors à considérer l’intégration sociale comme un facteur déterminant de protection.
II. L’assimilation du résident permanent au national face à l’extradition
A. Le critère de l’intégration sociale par la résidence permanente
L’intégration d’un citoyen européen dans la société d’accueil justifie une protection équivalente à celle dont bénéficient les propres nationaux de l’État. La Cour estime que les résidents permanents démontrant un degré d’intégration certain se trouvent « dans une situation comparable » aux ressortissants nationaux. Cette comparabilité repose sur l’objectif de favoriser la réinsertion sociale du condamné dans son milieu social de résidence habituelle. L’assimilation juridique du résident permanent au national oblige l’État d’accueil à adapter ses mécanismes de coopération judiciaire internationale.
B. L’obligation d’un traitement identique pour prévenir l’extradition
L’État membre dont le droit interdit l’extradition de ses nationaux doit désormais étendre cette garantie aux citoyens européens résidant de manière permanente. La Cour impose d’assurer « un traitement identique à celui qu’il réserve à ses propres ressortissants en matière d’extradition » pour ces résidents. Cette obligation ne s’applique cependant que si l’intéressé remplit effectivement les conditions de résidence permanente fixées par le droit de l’Union. Cette solution renforce la cohésion de l’espace judiciaire européen tout en respectant les compétences régaliennes des États en matière pénale.