Cour de justice de l’Union européenne, le 13 octobre 2011, n°C-148/10

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le treize octobre deux mille onze, précise l’interprétation du droit des services postaux. Un prestataire de services de courrier express conteste, devant la cour d’appel de Bruxelles le vingt-trois mars deux mille dix, son assujettissement obligatoire à une médiation. Ce dernier refuse de verser la redevance sectorielle au motif que son activité professionnelle échapperait au champ d’application de la directive européenne applicable. La juridiction de renvoi sursoit à statuer pour interroger la Cour sur la conformité de cette obligation nationale au regard du droit de l’Union. Le litige porte principalement sur la marge de manœuvre des États membres pour imposer des procédures de règlement extrajudiciaire aux prestataires privés. La Cour doit déterminer si la directive concernant les services postaux ou la liberté d’établissement s’opposent à une telle réglementation impérative. La juridiction européenne conclut à l’absence d’incompatibilité entre la mesure nationale et les dispositions du droit primaire ou dérivé de l’Union européenne.

I. L’affirmation d’une compétence étatique préservée par l’harmonisation minimale

La Cour analyse d’abord la directive sectorielle pour vérifier si elle encadre strictement les procédures de recours applicables aux prestataires postaux privés.

A. La reconnaissance d’une marge de manœuvre nationale étendue

Le juge européen souligne que « la directive 97/67 ne procède pas à une harmonisation complète en ce qui concerne les procédures de traitement des réclamations ». Les instances nationales conservent ainsi la faculté de définir des règles précises adaptées à leur situation propre dans le respect du cadre général. Cette solution repose sur le constat que les textes européens conçoivent ces procédures comme un simple socle minimal venant compléter les voies de recours. « Les États membres disposent d’une marge de manœuvre pour fixer les procédures précises et choisir le régime le mieux adapté à leur situation ». L’arrêt valide ainsi la possibilité pour une législation interne d’imposer des contraintes supplémentaires aux opérateurs ne relevant pas du service postal universel.

B. La promotion d’un système de protection élargi des utilisateurs

L’évolution du droit dérivé montre une volonté constante d’étendre la protection des bénéficiaires à l’ensemble des services postaux fournis sur le marché. La Cour relève que les modifications successives des textes visent à ne plus limiter les principes minimaux de réclamation aux seuls prestataires historiques. Elle précise que les autorités nationales doivent désormais encourager « la mise en place de systèmes indépendants de règlement amiable des litiges entre les prestataires et les utilisateurs ». Une réglementation imposant une procédure externe de traitement des plaintes répond donc parfaitement aux orientations fixées par le législateur de l’Union européenne. Cette interprétation permet de garantir une qualité de service homogène pour tous les usagers, quel que soit le statut juridique de l’entreprise prestataire.

II. L’absence d’atteinte disproportionnée aux libertés de circulation européennes

Le contrôle de validité s’exerce ensuite au regard du droit primaire, particulièrement la liberté d’établissement dont bénéficient les sociétés au sein de l’Union.

A. Le caractère non discriminatoire de la procédure de médiation

La mesure contestée s’applique de manière uniforme à tout prestataire établi sur le territoire national sans distinction fondée sur la nationalité des actionnaires. La Cour observe que cette obligation ne comporte aucune restriction dès lors qu’elle n’empêche pas l’accès au marché ou l’exercice de l’activité. « L’article 49 TFUE s’oppose à toute mesure nationale qui, même applicable sans distinction, est susceptible de gêner l’exercice de la liberté d’établissement ». En l’espèce, le seul fait de soumettre les entreprises à une médiation externe ne saurait être considéré comme une entrave réelle à leur installation. Le principe de non-discrimination est respecté car la charge financière pèse de manière équivalente sur les opérateurs locaux et sur les opérateurs étrangers.

B. L’inexistence d’une restriction à l’attractivité de l’établissement

L’argumentation du prestataire relative à la nature professionnelle de sa clientèle ne suffit pas à caractériser une violation des principes de libre circulation. Le juge affirme que « les opérateurs ne sauraient prétendre à ce qu’un État membre n’ait pas de structures de protection juridique des intérêts de leurs clients ». La protection des consommateurs constitue une raison impérieuse d’intérêt général justifiant pleinement l’existence de modes de résolution extrajudiciaire des litiges au niveau sectoriel. Cette organisation administrative ne rend pas moins attrayant l’exercice de la liberté d’établissement garantie par le traité pour les ressortissants des autres États. La solution retenue confirme que les exigences de régulation sociale et juridique priment sur la simple commodité administrative des acteurs économiques transfrontaliers.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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