Cour de justice de l’Union européenne, le 13 octobre 2016, n°C-277/15

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 13 octobre 2016, une décision fondamentale concernant la libre circulation des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Le litige portait sur l’importation parallèle de bandes-tests pour la mesure du glucose sanguin entre deux États membres de l’Union européenne. Un importateur avait acquis ces produits au Royaume-Uni pour les revendre en Allemagne après avoir traduit les notices et l’étiquetage en langue allemande. Le fabricant initial soutenait que cette modification linguistique exigeait impérativement une nouvelle évaluation de conformité par un organisme notifié. La juridiction de renvoi allemande a interrogé la Cour sur l’interprétation de la directive relative à ces dispositifs médicaux spécifiques. Elle souhaitait savoir si l’article 9 imposait une procédure complémentaire de certification pour les simples opérations de traduction de l’importateur. La Cour de justice juge qu’une telle exigence n’est pas nécessaire pour un dispositif déjà revêtu du marquage de conformité, ce qui permet d’écarter toute nouvelle évaluation.

**I. L’inopposabilité d’une nouvelle procédure d’évaluation de conformité**

L’arrêt souligne que la libre circulation des produits certifiés constitue l’objectif central de la législation européenne harmonisée sur les dispositifs médicaux.

**A. La force probante du marquage de conformité initial**

Les juges rappellent que les dispositifs conformes aux normes et certifiés selon les procédures prévues bénéficient d’une présomption de sécurité absolue. La décision précise que « les dispositifs de diagnostic in vitro dont la conformité aux exigences essentielles a été certifiée doivent bénéficier de la libre circulation ». Un État membre ne peut donc exiger qu’un tel produit soit soumis à une nouvelle procédure d’évaluation venant s’ajouter aux contrôles initiaux. L’article 4 interdit tout obstacle à la mise sur le marché des produits portant le marquage requis par le droit de l’Union. Cette règle garantit l’efficacité du marché intérieur en évitant la duplication fastidieuse des contrôles techniques et administratifs. Le marquage de conformité initial suffit à attester que le produit respecte les exigences de sécurité pour l’ensemble du territoire européen.

**B. La distinction entre l’importateur et la figure juridique du fabricant**

L’obligation de procéder à l’examen de conformité s’adresse exclusivement aux seuls fabricants définis strictement par la directive applicable. La Cour observe que l’importateur parallèle ne saurait être assimilé à un fabricant dès lors qu’il ne commercialise pas le produit en son nom propre. L’apposition d’une étiquette traduite ne suffit pas à transformer le statut juridique de l’opérateur économique intervenant dans la chaîne de distribution. « L’importateur ne saurait être tenu de soumettre les dispositifs à une nouvelle procédure » car il ne modifie pas la présentation originale. Cette interprétation rigoureuse préserve l’équilibre entre les responsabilités industrielles et la liberté commerciale des acteurs du marché secondaire. La protection de la santé publique s’articule alors avec les exigences de traduction sans pour autant justifier des barrières techniques injustifiées.

**II. La conciliation de la sécurité sanitaire et des impératifs linguistiques**

Le droit de l’Union organise la protection des utilisateurs par des obligations d’information dont le respect ne nécessite pas de nouvelle certification.

**A. La satisfaction des obligations linguistiques sans certification additionnelle**

La directive permet aux États membres d’exiger que les informations fournies à l’utilisateur final soient rédigées dans leur propre langue officielle. Pour les dispositifs d’autodiagnostic, cette faculté devient une obligation impérative afin d’assurer une utilisation parfaitement sûre et correcte du matériel médical. La Cour précise toutefois que les autorités nationales ne peuvent pas imposer une évaluation par un organisme notifié pour les modifications linguistiques. L’obligation de traduction est ainsi dissociée de la procédure de certification technique dont la validité demeure attachée au produit d’origine. Le respect des exigences de l’annexe relative aux informations ne réactive pas les mécanismes complexes de l’article 9 de la directive. Cette solution évite que les exigences linguistiques ne deviennent des instruments de cloisonnement des marchés nationaux par les fabricants.

**B. La suffisance des mécanismes de sauvegarde et de vigilance**

Le droit de l’Union prévoit déjà des procédures spécifiques pour gérer les risques éventuels liés à une inadéquation de l’étiquetage ou des instructions. Les articles 8 et 11 organisent une surveillance centralisée permettant de retirer du marché les dispositifs dangereux pour les patients ou les utilisateurs. Ce système de vigilance protège efficacement la santé publique tout en limitant les atteintes à la libre circulation des marchandises certifiées. La Cour rejette également l’idée d’un mécanisme d’avertissement préalable du fabricant qui ne trouverait aucun fondement juridique dans le texte européen. Le marquage ne confère aucun droit exclusif permettant de bloquer les importations parallèles au motif d’un contrôle de l’exactitude des traductions. La sécurité repose donc sur le contrôle des autorités publiques plutôt que sur des procédures privées supplémentaires.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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