La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le treize octobre deux mille vingt-deux, un arrêt fondamental concernant la responsabilité solidaire des dirigeants sociaux. Le litige oppose un ancien gérant à l’administration fiscale au sujet d’un avis de redressement pour des dettes de taxe sur la valeur ajoutée impayées. Le requérant a vu sa rémunération augmenter considérablement au cours de l’année deux mille quatorze alors que sa société ne s’acquittait plus de ses obligations. Après le rejet de son recours administratif, l’intéressé a saisi le tribunal administratif de Veliko Tarnovo pour contester le bien-fondé de sa mise en cause. La question centrale est de savoir si un État membre peut instaurer une solidarité fiscale à l’encontre d’un tiers non assujetti agissant de mauvaise foi. Le juge européen répond positivement, affirmant que le droit de l’Union ne s’oppose pas à un tel mécanisme s’il respecte scrupuleusement le principe de proportionnalité.
I. L’ADMISSION D’UNE RESPONSABILITÉ SOLIDAIRE FONDÉE SUR L’EXIGENCE DE PERCEPTION DE LA TAXE
A. L’ancrage de la responsabilité dans les mesures de lutte contre la fraude Le juge européen fonde sa décision sur l’article deux cent soixante-treize de la directive relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. Ce texte permet aux États membres de prévoir d’autres obligations que celles prévues initialement afin d’assurer l’exacte perception de la taxe due. La Cour rappelle que « les États membres ont l’obligation de prendre toutes les mesures législatives et administratives propres à garantir la perception de l’intégralité de la TVA ». Cette mission découle de l’obligation de protéger les intérêts financiers de l’Union européenne contre toute atteinte résultant d’activités illégales ou frauduleuses.
B. La soumission facultative des tiers non assujettis aux obligations de recouvrement La responsabilité solidaire peut s’étendre au gérant de la personne morale car la directive n’exclut pas expressément les tiers non assujettis de son champ d’application. La Cour précise qu’ « il ne ressort d’aucun élément du libellé de l’article 273 […] que les obligations […] ne pourraient viser que des personnes assujetties ». L’efficacité de la lutte contre la fraude peut exiger que les personnes physiques participant aux décisions de l’assujetti soient tenues responsables de leurs manquements. Le mécanisme national participe donc à la mise en œuvre de l’objectif de perception intégrale de la taxe sur le territoire de l’État membre.
II. L’ENCADREMENT RIGOUREUX DE LA SOLIDARITÉ PAR LE PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ
A. L’exigence impérative d’un comportement fautif et d’un lien de causalité Le principe de proportionnalité exige que les mesures nationales ne dépassent pas les limites nécessaires à la préservation des droits légitimes du Trésor public. La Cour juge disproportionné de « faire peser la responsabilité du paiement de la TVA sur une personne autre que le redevable […] sans lui permettre d’y échapper ». La responsabilité doit être justifiée par une relation juridique caractérisée par la mauvaise foi du tiers agissant au détriment manifeste du patrimoine social. Le juge exige un lien de causalité entre les actes fautifs du gérant et l’incapacité de la société à s’acquitter de sa dette fiscale exigible.
B. L’extension mesurée de l’obligation solidaire au paiement des intérêts moratoires L’obligation solidaire peut inclure les intérêts moratoires car ils compensent le préjudice résultant de l’indisponibilité prolongée des fonds dus à l’administration fiscale nationale. La juridiction affirme que « la perception d’intérêts moratoires permet de compenser le préjudice causé au Trésor public par l’indisponibilité des montants de TVA ». Cette extension est limitée aux intérêts résultant directement du non-paiement provoqué par le comportement de mauvaise foi du responsable de la gestion sociale. La solidarité fiscale est ainsi conditionnée par la preuve d’un appauvrissement intentionnel du patrimoine social rendant le recouvrement impossible auprès de la personne morale.