Cour de justice de l’Union européenne, le 13 octobre 2022, n°C-437/21

Par une décision rendue le 2 septembre 2021, la dixième chambre de la Cour de justice de l’Union européenne précise le régime juridique applicable au cabotage maritime. Cette affaire concerne l’attribution d’un marché de transport rapide de passagers par navires entre deux ports situés dans le détroit de Messine. Un premier contrat fut conclu en 2015 à l’issue d’une procédure d’appel d’offres avant que le ministère ne décide une attribution directe en 2018. L’administration s’est alors fondée sur une disposition nationale assimilant ce service de liaison par navettes rapides à un service de transport ferroviaire.

Le tribunal administratif régional du Latium a rejeté le recours formé par le prestataire évincé au motif que le règlement n° 1370/2007 autorisait cette pratique. Saisie en appel, la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité d’une telle assimilation législative avec les principes de libre circulation et d’ouverture à la concurrence. Le problème de droit consiste à savoir si le règlement n° 3577/92 s’oppose à une norme interne qualifiant un transport maritime de ferroviaire pour éluder les règles de publicité. La Cour de justice répond par l’affirmative en soulignant que cette requalification ne saurait écarter les obligations de mise en concurrence propres au secteur du cabotage.

**I. L’affirmation de la primauté du régime juridique du cabotage maritime**

L’interprétation de la Cour de justice repose sur la délimitation rigoureuse des champs d’application respectifs des règlements européens relatifs aux transports nationaux. Le juge souligne que le règlement n° 3577/92 « établit clairement le principe de la libre prestation des services de cabotage maritime dans l’Union européenne ». Bien que les États puissent appliquer le règlement n° 1370/2007 au transport maritime, cette faculté s’exerce impérativement « sans préjudice du règlement n° 3577/92 ». Cette hiérarchie normative garantit que les spécificités du transport par mer priment sur les dispositions générales du transport de voyageurs par voie navigable.

L’analyse de la juridiction européenne conduit à écarter l’usage des mécanismes d’attribution directe prévus pour le secteur ferroviaire au profit d’une procédure ouverte. Contrairement au transport ferroviaire, le règlement n° 3577/92 « ne prévoit pas de possibilité d’attribution directe » lors de la conclusion de contrats de service public. L’exigence de non-discrimination impose aux États membres d’offrir une égalité d’accès à tous les armateurs de l’Union européenne souhaitant desservir des liaisons régulières. La solution retenue assure ainsi une protection efficace contre les pratiques administratives tendant à favoriser arbitrairement un opérateur économique historique au détriment des concurrents.

**II. L’encadrement de la qualification nationale des services de transport**

La Cour de justice limite la liberté des États membres dans la définition juridique des services publics lorsqu’elle affecte l’application du droit de l’Union. Elle considère « qu’il ne saurait être admis qu’une mesure nationale procède à une requalification de certains services » sans tenir compte de leur nature réelle. L’assimilation législative opérée par le décret-loi national est jugée illicite car elle conduit à soustraire artificiellement une prestation maritime à son régime normal. Cette approche fonctionnelle privilégie les caractéristiques objectives du service de transport sur les dénominations formelles choisies par le législateur de l’État membre.

Cette décision renforce la portée du principe de libre prestation des services en empêchant tout contournement des règles européennes de passation des marchés publics. La requalification opérée est particulièrement critiquable lorsqu’elle permet « une attribution directe de ces services, sans mise en concurrence, laquelle serait autrement exigée ». Le juge européen sanctuarise l’obligation de publicité pour les contrats de cabotage maritime afin de maintenir une concurrence saine et loyale. Cette jurisprudence contraint désormais les autorités nationales à respecter scrupuleusement les procédures de mise en concurrence quelles que soient les justifications techniques ou politiques invoquées.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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