La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 13 septembre 2016, une décision capitale relative au droit de séjour dérivé des parents de citoyens européens. Le litige oppose une ressortissante d’un État tiers, mère d’un enfant de nationalité britannique, à l’administration d’un État membre ayant ordonné son expulsion définitive. À la suite d’une condamnation à une peine d’emprisonnement de douze mois, l’autorité nationale a engagé une procédure d’éloignement du territoire vers un pays tiers. Le tribunal de première instance de l’immigration et de l’asile a accueilli le recours de l’intéressée au motif que l’expulsion violerait les droits de l’enfant. Saisi d’un pourvoi par le ministre de l’Intérieur, le tribunal supérieur de l’immigration et de l’asile du Royaume-Uni a décidé de solliciter une interprétation préjudicielle. Les juges interrogent la compatibilité de l’article 20 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne avec une réglementation imposant l’expulsion automatique d’un parent délinquant. La juridiction luxembourgeoise affirme que le droit de l’Union prohibe une telle mesure si elle contraint le citoyen européen mineur à quitter le territoire de l’Union. Des circonstances exceptionnelles fondées sur une menace réelle et actuelle peuvent toutefois justifier une dérogation au terme d’un examen proportionné de la situation.
I. La préservation de l’effet utile du statut de citoyen de l’Union
A. L’opposabilité de la citoyenneté européenne dans les situations internes
Le statut de citoyen de l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres indépendamment de l’exercice de la libre circulation. L’enfant concerné, né et résidant dans l’État de sa nationalité, peut se prévaloir des droits afférents à cette qualité y compris contre son propre État. La Cour précise que cette situation ne saurait être assimilée à une circonstance purement interne dès lors qu’elle affecte la jouissance des droits conférés par le traité. Le droit fondamental de séjourner librement sur le territoire européen constitue le cœur de ce statut protecteur dont les juges assurent la pleine effectivité juridique. Une mesure nationale affectant un ressortissant extracommunautaire relève du champ d’application du droit de l’Union si elle entrave l’exercice des prérogatives attachées à la citoyenneté.
B. L’interdiction d’une privation de la jouissance effective des droits
Le refus d’accorder un droit de séjour au parent chargé de la garde effective d’un mineur entraîne l’éloignement indirect du citoyen de l’Union. La jurisprudence rappelle que « l’article 20 TFUE s’oppose à des mesures nationales ayant pour effet de priver les citoyens de l’Union de la jouissance effective de l’essentiel des droits ». L’expulsion de la mère contraindrait l’enfant à quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble pour suivre son seul parent capable d’assumer sa charge. Cette contrainte matérielle vide de sa substance le droit de séjour constitutionnel dont bénéficie le ressortissant européen mineur en raison de sa dépendance totale. Le droit de séjour dérivé du parent constitue ainsi l’accessoire indispensable pour garantir l’exercice réel des droits fondamentaux de l’enfant citoyen de l’Union européenne.
II. L’encadrement des restrictions justifiées par l’ordre public
A. L’exigence d’une menace caractérisée pour les intérêts fondamentaux
La citoyenneté n’interdit pas aux États membres d’invoquer des exceptions liées au maintien de l’ordre public ou à la sauvegarde de la sécurité publique nationale. Ces notions doivent cependant faire l’objet d’une interprétation stricte excluant toute détermination unilatérale par les autorités nationales sans contrôle des institutions de l’Union européenne. Les juges soulignent que « la notion d’ordre public suppose l’existence d’une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société ». Une condamnation pénale ne saurait justifier automatiquement une mesure d’expulsion sans une analyse précise du comportement personnel et de la dangerosité actuelle de l’individu. L’existence d’antécédents délictueux constitue un indice mais ne dispense jamais l’autorité administrative d’apporter la preuve d’une perturbation grave de l’intérêt général de l’État.
B. La nécessité d’un examen proportionné de la situation familiale
L’adoption d’une mesure d’éloignement requiert une mise en balance rigoureuse entre les impératifs de sécurité et le respect des droits fondamentaux des personnes. Le juge national doit prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant conformément aux exigences de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et du droit. L’évaluation de la proportionnalité intègre des critères tels que l’âge du mineur, son état de santé, sa situation économique et le degré de dépendance envers son parent. Une attention particulière est accordée au droit au respect de la vie privée et familiale dont la Cour assure la protection constante contre les ingérences excessives. L’expulsion demeure une mesure d’ultime recours qui ne peut intervenir que si la menace pour la société l’emporte manifestement sur le sacrifice des droits individuels.