La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 3 octobre 2024, statue sur un renvoi préjudiciel de la Cour administrative d’appel de Stockholm. Cette décision porte sur l’interprétation de l’article 28 du règlement n o 604/2013 relatif au placement en rétention des demandeurs de protection internationale. Un ressortissant étranger a été placé en rétention après l’acceptation par un autre État membre d’une requête aux fins de prise en charge. L’administration nationale a maintenu cette mesure de contrainte dans le cadre de la procédure de transfert vers l’État responsable de la demande d’asile. La juridiction de renvoi sollicite la Cour sur la validité de délais de rétention nationaux pouvant s’étendre jusqu’à douze mois consécutifs. La question de droit concerne la conformité de ces durées et les modalités de computation du délai de transfert de six semaines. La Cour doit concilier les exigences d’efficacité du système de Dublin avec le droit à la liberté protégé par le droit de l’Union. Elle juge que la rétention ne peut être maintenue que durant le temps nécessaire aux fins de la procédure de transfert en cours. L’analyse s’attachera d’abord à définir les limites temporelles de la rétention avant d’aborder les conditions strictes de calcul du délai de transfert.
**I. L’encadrement de la durée de la rétention au cours de la procédure de transfert**
**A. La validation conditionnelle des délais nationaux raisonnables**
La Cour admet qu’une réglementation puisse prévoir un placement en rétention de deux mois maximum après l’acceptation de la requête aux fins de prise en charge. Cette mesure est licite « pour autant que la durée du placement en rétention ne dépasse pas le temps nécessaire aux fins de la procédure de transfert ». L’appréciation de cette nécessité doit s’effectuer en tenant compte des exigences concrètes de chaque procédure dans chaque cas particulier rencontré par l’administration. Le juge européen lie étroitement la légalité de la rétention à l’efficacité et à la diligence des autorités nationales dans l’organisation du transfert. Cette interprétation garantit que la privation de liberté reste une mesure d’exception strictement proportionnée à l’objectif de gestion des flux migratoires européens. Le juge européen subordonne ainsi la légalité de la privation de liberté à une démonstration constante de la diligence requise par les circonstances de l’espèce.
**B. L’exclusion des prolongations excessives au regard des droits fondamentaux**
Le juge de l’Union européenne censure les dispositions nationales permettant de maintenir un demandeur en rétention pendant une durée de trois ou douze mois. Une telle durée est jugée excessive alors que le transfert peut valablement être effectué dans un laps de temps nettement plus court. L’article 28 du règlement « s’oppose à une réglementation nationale » autorisant une privation de liberté aussi étendue au cours de la phase d’exécution. Cette solution protège le droit à la liberté et à la sûreté consacré par l’article 6 de la Charte des droits fondamentaux. La Cour souligne que la rétention ne saurait constituer une mesure de gestion administrative générale déconnectée de l’urgence des opérations de transfert effectives. La protection de la liberté individuelle impose ainsi une célérité particulière dans la conduite des opérations matérielles de remise à l’État responsable.
**II. Le calcul autonome et rigoureux du délai de six semaines**
**A. L’indépendance du délai vis-à-vis des périodes de rétention antérieures**
La décision précise que le délai de six semaines institué par le règlement ne doit pas subir de réduction liée aux périodes de détention passées. Il ne convient pas de « déduire du délai de six semaines » le nombre de jours durant lesquels l’intéressé était déjà placé en rétention. Ce délai commence à courir intégralement à compter du moment où le recours ou la révision n’a plus d’effet suspensif sur la décision. La Cour consacre ici l’autonomie de la phase finale du transfert par rapport aux étapes antérieures de la procédure de détermination. La computation du délai s’effectue donc selon une logique purement chronologique fermée à toute considération sur la durée cumulée des mesures de contrainte subies.
**B. L’application généralisée du délai indépendamment de l’initiative du demandeur**
Le délai de six semaines s’applique de plein droit même si la suspension de l’exécution n’a pas été spécifiquement demandée par la personne concernée. La Cour interprète l’article 28, paragraphe 3, en ce sens que le bénéfice de ce cadre temporel ne dépend pas d’une démarche procédurale active. Cette solution renforce la protection des demandeurs en garantissant un encadrement strict de la rétention par le seul effet de la loi. Le juge européen refuse de subordonner les garanties fondamentales à des conditions formalistes qui pourraient nuire aux ressortissants les moins informés. L’automatisme du déclenchement du délai souligne la volonté de l’Union de limiter rigoureusement toute extension de la rétention au-delà du nécessaire. L’uniformité de l’application de cette règle assure une égalité de traitement entre tous les demandeurs de protection internationale au sein de l’Union.