Cour de justice de l’Union européenne, le 13 septembre 2018, n°C-618/16

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 13 septembre 2018 une décision capitale concernant l’application des mesures transitoires liées à l’adhésion de 2003. Un ressortissant d’un nouvel État membre, entré dans l’État d’accueil en 2008, a exercé une activité professionnelle entre juillet 2009 et mars 2011. Son contrat de travail a pris fin brusquement suite à une blessure grave survenue en dehors du cadre strictement professionnel. Bien que présent sur le territoire depuis plusieurs années, l’intéressé n’avait régularisé sa situation auprès des autorités qu’en janvier 2011. Il a sollicité l’octroi d’une allocation de soutien à l’emploi, laquelle lui a été refusée par l’administration compétente du pays d’accueil.

Le demandeur a contesté ce refus devant le First-tier Tribunal puis devant l’Upper Tribunal de l’État d’accueil en invoquant la libre circulation. Il soutenait que le droit de l’Union interdisait l’application d’une réglementation nationale restreignant indûment le maintien de son statut de travailleur. L’administration s’opposait à cette lecture en rappelant les dérogations explicites prévues par l’acte d’adhésion signé lors de l’élargissement. Saisi du litige, l’Upper Tribunal a interrogé la juridiction européenne sur la validité de l’exclusion des ressortissants des nouveaux États membres. La question portait sur la faculté pour un État membre de subordonner les avantages sociaux à une période d’emploi enregistré.

Les juges de Luxembourg ont considéré que l’annexe XII de l’acte d’adhésion autorisait le maintien de mesures nationales réglementant l’accès au marché. La dérogation aux règles de séjour est jugée nécessaire pour garantir l’efficacité des limites posées à l’accès à l’emploi salarié. La solution repose sur l’articulation entre les dérogations transitoires à la libre circulation et les conditions formelles d’accès au système de protection sociale.

**I. L’admission de dérogations transitoires à la libre circulation des travailleurs**

**A. La primauté des mesures nationales d’enregistrement durant la période transitoire**

L’acte d’adhésion de 2003 instaure un régime d’exception permettant aux États membres actuels de différer la pleine application de la liberté fondamentale. La Cour rappelle que « l’article 45 et l’article 56 ne s’appliquent pleinement que sous réserve des dispositions transitoires » prévues par les textes. Ces mesures visent à prévenir les perturbations graves sur le marché du travail consécutives à l’arrivée soudaine de nombreux ressortissants des nouveaux États. L’État d’accueil a ainsi valablement instauré un système d’enregistrement obligatoire pour les travailleurs issus des nouveaux États membres dès leur entrée. Cette réglementation nationale conditionne l’intégration complète du travailleur migrant à une période ininterrompue de douze mois d’activité légalement et formellement déclarée.

**B. L’indissociabilité des conditions d’accès et de maintien du statut**

Le droit au séjour permanent et le maintien de la qualité de travailleur ne peuvent être isolés des conditions d’admission au marché. La juridiction précise que l’application de l’article 7 de la directive de 2004 « ne saurait être dissociée de celle des dispositions régissant l’accès ». Si un ressortissant n’a pas accompli la période de référence requise, il ne peut revendiquer la protection spécifique contre le chômage involontaire. Cette interprétation garantit que les dérogations prévues par les traités conservent un effet utile face aux règles générales de circulation des personnes. L’État membre conserve ainsi la maîtrise de son marché intérieur durant toute la durée de la phase transitoire fixée par l’adhésion. La validation de ces restrictions temporelles permet d’apprécier la situation individuelle au regard des critères cumulatifs de durée et de régularité administrative.

**II. La validation de l’exclusion des avantages sociaux en l’absence de régularisation**

**A. L’exigence cumulative d’une durée d’emploi et d’une admission formelle**

La conservation du statut de travailleur après la cessation de l’activité suppose le respect rigoureux des critères d’admission fixés par l’État. L’arrêt souligne que les intéressés doivent remplir « deux conditions cumulatives afin d’échapper aux mesures dérogatoires » adoptées sur la base du traité. La simple réalité d’une activité professionnelle ne suffit pas si l’enregistrement administratif n’a pas couvert la totalité de la période légale. Dans cette espèce, l’intéressé n’avait été formellement admis que durant deux mois avant la survenance de son incapacité de travail temporaire. En conséquence, le non-respect de la condition de durée minimale interdit la reconnaissance d’un droit au maintien définitif de la qualité de travailleur. L’analyse de la situation individuelle au regard des critères formels permet de mesurer l’impact de cette décision sur la protection des migrants.

**B. La portée de la décision sur la protection sociale des travailleurs migrants**

Cette solution confirme la prévalence des actes d’adhésion sur les dispositions générales relatives à la citoyenneté active au sein de l’Union. La Cour affirme que l’État pouvait légitimement « exclure du bénéfice de l’article 7 un ressortissant ne satisfaisant pas à la condition d’emploi ». L’égalité de traitement en matière d’avantages sociaux reste subordonnée à la régularité du séjour au regard des mesures transitoires encore applicables. Cette jurisprudence limite temporairement la solidarité nationale envers les nouveaux ressortissants afin de protéger les équilibres économiques fragiles des pays d’accueil. Elle rappelle enfin que la libre circulation demeure encadrée par les compromis politiques nécessaires lors des processus d’élargissement de l’Union.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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