Cour de justice de l’Union européenne, le 14 avril 2015, n°C-409/13

La Cour de justice de l’Union européenne, réunie en grande chambre, a rendu le 14 avril 2015 une décision majeure relative à l’équilibre institutionnel. Ce litige opposait l’institution législative à l’organe exécutif au sujet du retrait d’une proposition de règlement concernant l’assistance macrofinancière aux pays tiers.

L’organe d’initiative avait soumis un projet visant à rationaliser l’octroi d’aides financières pour accroître l’efficacité et la célérité des interventions extérieures de l’organisation. Pourtant, les autorités législatives souhaitaient modifier substantiellement le texte pour conserver un contrôle politique direct sur chaque décision individuelle d’assistance financière accordée.

Face à ce désaccord profond, l’institution à l’origine du projet a décidé de retirer sa proposition avant que l’acte ne soit définitivement adopté. L’organe requérant a alors introduit un recours en annulation en invoquant une violation manifeste du principe de l’équilibre institutionnel défini par les traités.

La problématique juridique porte sur l’étendue du pouvoir discrétionnaire de l’exécutif pour retirer une proposition législative en cours de procédure législative ordinaire. La juridiction affirme que ce droit appartient à l’organe d’initiative tant que le législateur n’a pas statué sur le texte initialement soumis.

Ainsi, cette étude abordera la reconnaissance d’une prérogative liée au pouvoir d’initiative avant d’analyser l’encadrement procédural garantissant la loyauté entre les institutions.

I. La reconnaissance d’une prérogative souveraine liée au pouvoir d’initiative

A. L’ancrage textuel du droit de retrait dans la procédure ordinaire

Dès lors, la juridiction précise que le droit de présenter une proposition législative emporte logiquement celui de disposer de son sort durant les débats. Elle s’appuie sur les traités pour confirmer que l’auteur du texte conserve une maîtrise continue sur le contenu de son initiative politique originale.

Il est jugé que « le pouvoir de [l’organe d’initiative] […] ne se résume pas […] à présenter une proposition » mais inclut sa maîtrise décisionnelle. Cette faculté de retrait constitue le corollaire indispensable de la mission de promotion de l’intérêt général confiée à l’institution par les textes constitutionnels.

Cette maîtrise du texte initial permet de s’opposer aux modifications qui altéreraient l’esprit même du projet législatif présenté devant les instances de l’Union.

B. La préservation de l’objet initial face à la dénaturation de l’acte

Le retrait est justifié lorsque les modifications envisagées par les colégislateurs dénaturent la proposition initiale au point de la priver de sa substance. L’auteur n’est pas tenu de cautionner un texte qui ferait obstacle à la réalisation des buts politiques qu’il s’était initialement fixés.

En l’espèce, la Cour retient que « lorsqu’un amendement envisagé […] dénature la proposition […] [l’institution] est en droit de la retirer » pour protéger l’intégrité du projet. Le passage à une procédure individuelle contredisait frontalement l’objectif de célérité recherché par l’institution à l’origine du texte de règlement.

L’exercice de cette prérogative n’est toutefois pas absolu et nécessite le respect scrupuleux de garanties formelles pour éviter tout arbitraire institutionnel dans l’action.

II. L’encadrement du retrait au service de la loyauté interinstitutionnelle

A. L’exigence d’une motivation étayée sous le contrôle du juge

En effet, la décision de retrait constitue un acte susceptible de recours car elle interrompt définitivement le processus législatif entamé par les autorités compétentes. L’institution doit donc exposer précisément les motifs de sa décision afin de permettre un contrôle effectif par la juridiction de Luxembourg.

L’arrêt énonce que « la question de savoir si la motivation satisfait aux exigences doit être appréciée au regard de son libellé et de son contexte ». Ces justifications doivent reposer sur des éléments convaincants démontrant que les amendements dénaturent réellement les objectifs de la proposition initiale présentée.

La transparence des motifs constitue la première barrière contre l’usage abusif de ce droit de retrait par l’autorité exécutive au sein du processus.

B. L’obligation de coopération loyale comme limite au blocage décisionnel

Par ailleurs, le droit de retrait doit s’exercer dans le respect du principe de coopération loyale qui régit les relations entre les différentes instances de l’organisation. L’auteur de la proposition doit prendre en compte les préoccupations des colégislateurs et les avertir suffisamment tôt de son intention de retrait définitif.

L’institution défenderesse avait exprimé ses réserves lors des réunions tripartites, permettant aux autres acteurs de mesurer les conséquences de leurs amendements sur le texte. Cette approche préserve l’équilibre des pouvoirs en empêchant qu’une institution ne puisse exercer un droit de veto occulte sans aucun dialogue préalable constructif.

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Hassan KOHEN
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