Cour de justice de l’Union européenne, le 14 décembre 2023, n°C-457/21

Par un arrêt du 14 décembre 2023, la Cour de justice de l’Union européenne a statué sur la validité d’une mesure fiscale nationale. Le litige portait sur une décision fiscale anticipée validant une méthode de fixation des prix de transfert pour une société intégrée. Une institution européenne avait qualifié cette mesure d’aide d’État illégale au motif qu’elle méconnaissait le principe de pleine concurrence. Le Tribunal avait annulé cette décision, provoquant le pourvoi de l’institution devant la Cour de justice. La question portait sur la possibilité pour l’institution d’appliquer un principe de pleine concurrence autonome du droit national. La Cour rejette le pourvoi tout en substituant les motifs du Tribunal par les siens propres. Elle juge que ce principe n’a pas d’existence autonome en droit de l’Union indépendamment de son incorporation nationale. Ce commentaire examinera l’exclusion d’un principe autonome de pleine concurrence avant d’analyser les conséquences du vice de légalité identifié.

I. L’exclusion d’un principe autonome de pleine concurrence en droit de l’Union

A. La primauté du droit national dans la détermination du système de référence

La Cour rappelle que la qualification d’aide d’État exige de démontrer l’existence d’un avantage sélectif par rapport à une imposition normale. La détermination du système de référence doit découler d’un examen objectif des normes applicables en vertu du droit national de l’État. En dehors des domaines harmonisés, l’État membre détermine les caractéristiques constitutives de l’impôt par l’exercice de ses compétences propres. La Cour précise qu’il « n’existe pas, en l’état actuel du droit de l’Union, de principe autonome de pleine concurrence ». Seul le droit national applicable doit être pris en compte pour identifier le régime fiscal servant de point de comparaison.

B. L’invalidité de l’application de standards extrinsèques au système fiscal

L’arrêt censure l’usage par l’institution de paramètres et de règles externes au système fiscal national comme les lignes directrices internationales. Ces dernières ne revêtent une importance pratique que si le droit fiscal de l’État membre concerné y fait explicitement référence. La Cour relève que la disposition nationale pertinente ne formalisait l’application du principe que postérieurement aux faits de la cause. Dès lors, l’institution « ne pouvait appliquer ce principe rétroactivement » pour contester la validité de la décision fiscale anticipée. Cette exigence de sécurité juridique interdit de prendre en compte des règles non incorporées explicitement dans le droit national. Le constat de cette absence de base légale autonome pour le principe de pleine concurrence emporte nécessairement l’annulation de la décision attaquée.

II. Les conséquences du vice de légalité sur le contrôle des aides d’État

A. L’annulation de la décision confirmée par une substitution de motifs

Bien que le Tribunal ait commis des erreurs de droit, le dispositif de son arrêt apparaît fondé pour d’autres motifs. La Cour procède donc à une substitution de motifs pour confirmer l’annulation de la décision litigieuse prise par l’institution. Les erreurs commises dans l’identification de l’imposition normale vicient l’analyse de la condition relative à la sélectivité de la mesure. En l’espèce, l’institution n’avait pas établi l’existence d’un avantage au profit de la société concernée au sens du droit primaire. La Cour affirme que de telles erreurs de détermination « vicient nécessairement l’ensemble du raisonnement » tenant à l’existence de l’avantage.

B. La préservation de l’autonomie fiscale des États membres dans l’Union

La décision consacre le respect de l’autonomie fiscale des États membres dans les domaines non harmonisés par le droit européen. Les interventions étatiques ne sont pas exclues du contrôle mais doivent être jugées selon les modalités du droit national. La Cour rejette ainsi une vision extensive du principe de pleine concurrence qui permettrait à l’institution de redéfinir les bénéfices. Elle rappelle que « c’est l’État membre concerné qui détermine […] les caractéristiques constitutives de l’impôt » en toute autonomie. Cette jurisprudence limite les pouvoirs de l’institution aux seules dérogations internes au système de référence défini par le législateur.

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Hassan KOHEN
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