La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 14 février 2019, une décision importante relative aux frais de justice dans le règlement des petits litiges. Cette affaire concerne l’interprétation de l’article 16 du règlement n° 861/2007 instituant une procédure simplifiée pour les créances n’excédant pas deux mille euros. Une personne physique a introduit un recours contre une société de presse pour l’utilisation non autorisée d’une séquence filmée ainsi que d’une image fixe. Elle sollicitait une indemnisation au titre de ses droits d’auteur et le remboursement des dépens exposés devant la juridiction de première instance. Le tribunal a partiellement fait droit à la demande d’indemnisation mais a décidé que chaque partie devait supporter la charge de ses propres frais. La demanderesse a interjeté appel de ce jugement en limitant sa contestation à la seule question de la répartition des frais de la procédure. La juridiction de renvoi s’interroge sur la conformité d’une règle nationale permettant de répartir les dépens lorsque les parties gagnent respectivement sur certains points. La question de droit porte sur la portée de l’obligation pour la partie qui succombe de supporter les frais de l’instance européenne simplifiée. La Cour juge que l’article 16 ne s’applique qu’aux situations d’échec total, laissant ainsi les autres hypothèses sous l’empire du droit de l’État membre.
I. L’interprétation restrictive de la notion de partie qui succombe
A. Une application limitée aux hypothèses d’échec total
La Cour souligne que l’article 16 du règlement ne contient aucune indication précise concernant l’hypothèse d’un gain de cause seulement partiel des parties au litige. Elle relève que « dès lors que l’une des parties succombe partiellement en ses prétentions, l’autre partie succombe également » au regard de l’ensemble de la procédure. Une application de la règle de l’article 16 à ces situations « priverait ledit article de son effet utile » en empêchant la désignation claire du débiteur. Le juge européen considère que cette expression doit donc être interprétée comme visant exclusivement l’échec complet d’une partie lors de l’examen de ses prétentions. Cette approche littérale permet de garantir la prévisibilité du coût de la procédure tout en évitant des incertitudes majeures pour les juridictions nationales saisies.
B. L’exclusion des situations de gain de cause partiel du champ d’harmonisation
Le législateur de l’Union a fait le choix d’une harmonisation seulement partielle des règles de procédure applicables au règlement de ces petits litiges transfrontaliers. La Cour précise qu’une inclusion du gain de cause partiel « aurait dû être incluse dans ce règlement » si telle avait été l’intention réelle des institutions. L’absence de mention explicite confirme que les situations de succès mitigé ne relèvent pas de la règle automatique de prise en charge intégrale des frais. Cette interprétation respecte la structure globale du texte qui laisse une marge de manœuvre substantielle aux États membres pour organiser leur propre système judiciaire. La première phrase de l’article 16 doit donc être lue comme une exception stricte limitée aux seuls cas où une partie perd l’intégralité du procès.
II. Le maintien conditionné de l’autonomie procédurale nationale
A. Le renvoi subsidiaire aux règles de procédure des États membres
L’article 19 du règlement n° 861/2007 prévoit que la procédure est régie par le droit national de l’État membre sous réserve des dispositions contraires du texte. Les questions relatives à la répartition des frais de procédure « demeurent régies par le droit national des États membres » en cas de succès partiel. La juridiction nationale demeure ainsi libre d’ordonner que chaque partie supporte ses propres dépens ou de procéder à une ventilation proportionnelle de la charge financière. Cette autonomie procédurale permet d’adapter la solution aux spécificités de chaque litige tout en tenant compte de l’équité entre les différents plaideurs concernés. Le droit de l’Union ne cherche pas ici à imposer un modèle unique de répartition des coûts mais à offrir un cadre minimal de protection.
B. L’encadrement par les principes d’équivalence et d’effectivité
L’exercice de cette liberté nationale est strictement encadré par les principes classiques de l’ordre juridique européen afin de ne pas vider le règlement de sa substance. Les modalités nationales ne doivent pas être « moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne » de l’État membre de la juridiction. Elles ne doivent pas non plus conduire les justiciables à renoncer à cette procédure simplifiée en imposant au demandeur victorieux une charge financière disproportionnée. La Cour exige que le droit national n’impose pas au demandeur ayant largement eu gain de cause de supporter « une partie substantielle » de ses frais. Ce garde-fou garantit que l’objectif de réduction des coûts du règlement n’est pas compromis par une application arbitraire des règles de procédure nationales.