Cour de justice de l’Union européenne, le 14 janvier 2021, n°C-322/19

    La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 14 janvier 2021, un arrêt fondamental relatif aux conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale.

    Un ressortissant étranger a sollicité l’asile dans un État membre alors qu’une décision de transfert vers un autre État responsable avait été préalablement ordonnée à son encontre.

    La juridiction de renvoi a sursis à statuer pour interroger les juges européens sur le droit d’accès au travail durant la procédure de détermination de l’État responsable.

    La question centrale porte sur la possibilité d’exclure un demandeur du marché du travail en raison d’un transfert Dublin et sur les motifs justifiant un retard d’instruction.

    L’article 15 de la directive 2013/33 s’oppose à une réglementation nationale excluant l’accès au travail au seul motif qu’une décision de transfert a été prise envers le requérant.

    Le raisonnement s’articule autour de la primauté du droit au travail avant de restreindre strictement les possibilités pour l’administration d’imputer des retards de procédure au demandeur.

I. L’affirmation du droit d’accès au marché du travail

A. L’inopérance de la procédure de transfert sur les conditions d’accueil

    La Cour précise que l’article 15 de la directive 2013/33 s’oppose à une exclusion de l’accès au marché du travail fondée sur une décision de transfert.

    Cette solution garantit que le demandeur puisse subvenir à ses besoins tant qu’il demeure sur le territoire de l’État membre chargé de son accueil provisoire.

    Les juges soulignent qu’une réglementation nationale ne peut valablement écarter un étranger « au seul motif qu’une décision de transfert a été prise à son égard ».

B. L’exigence d’une interprétation systémique du droit de l’Union

    L’interprétation des normes d’accueil doit impérativement tenir compte des procédures communes d’octroi de la protection même si ces dernières ne s’appliquent pas directement dans l’État.

    Le droit de l’Union exige une cohérence globale pour assurer que les objectifs de dignité humaine et d’autonomie des demandeurs soient respectés dans chaque État membre.

    La juridiction nationale doit utiliser les dispositions de la directive 2013/32 pour « interpréter les dispositions de la directive 2013/33 » malgré les spécificités résultant des protocoles applicables.

    La reconnaissance de ce droit d’accès au travail impose de définir les circonstances précises où l’administration peut légitimement retarder l’exercice d’une telle liberté professionnelle fondamentale.

II. L’encadrement rigoureux de l’imputabilité des retards

A. La protection de l’exercice des droits procéduraux

    Le retard dans le traitement d’une demande ne peut être reproché au requérant lorsqu’il résulte de l’introduction d’un recours juridictionnel doté d’un effet suspensif.

    L’exercice d’un droit fondamental à un recours effectif ne saurait constituer un motif légitime pour restreindre l’accès à une activité professionnelle durant l’instance de contrôle.

    L’État ne peut pas « imputer au demandeur de protection internationale le retard dans le traitement de sa demande résultant de l’introduction, par celui-ci, d’un recours ».

B. La coopération comme unique critère de responsabilité personnelle

    Seul un manque de coopération manifeste avec les autorités compétentes permet d’imputer le retard de la décision de première instance à la personne qui sollicite l’asile.

    Cette responsabilité suppose une obstruction réelle à l’instruction administrative alors que le simple choix géographique de l’État d’entrée ne peut être sanctionné par l’exclusion.

    Le retard résultant d’un « manque de coopération de ce demandeur avec les autorités compétentes » constitue ainsi la seule circonstance permettant de différer légalement l’accès à l’emploi.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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