Cour de justice de l’Union européenne, le 14 janvier 2021, n°C-387/19

La Cour de justice de l’Union européenne, dans sa décision du 6 octobre 2025, précise les conditions d’application du mécanisme de mesures correctrices. Un opérateur économique participant à une procédure de passation de marché se trouvait exposé à un motif d’exclusion facultatif prévu par la réglementation européenne. Le litige s’est cristallisé sur l’obligation pour ce candidat de fournir, dès le dépôt de son offre, les preuves de sa fiabilité restaurée. La juridiction de renvoi s’interrogeait sur la compatibilité d’une telle exigence de spontanéité avec les principes de transparence et de sécurité juridique. La question posée au juge européen portait sur la nécessité d’un fondement textuel explicite pour imposer cette modalité de preuve particulière. La Cour juge que l’article 57 paragraphe 6 « s’oppose à une pratique en vertu de laquelle un opérateur économique est tenu d’apporter spontanément… la preuve des mesures correctrices ». Elle ajoute toutefois que cette règle ne s’applique pas si l’obligation est prévue de façon intelligible dans la loi nationale ou les documents de marché. L’analyse des modalités procédurales de la preuve précédera l’étude de la portée juridique reconnue à ces dispositions au sein des États membres.

I. L’encadrement des modalités de preuve des mesures correctrices

A. Le rejet d’une obligation de spontanéité implicite

L’arrêt souligne que le droit de démontrer sa fiabilité constitue une garantie essentielle pour les opérateurs économiques confrontés à un risque d’éviction. La Cour considère que le silence des textes nationaux ou contractuels ne saurait être interprété au détriment du candidat à un contrat public. Elle affirme que l’opérateur ne peut se voir reprocher un défaut d’initiative si aucune règle claire ne lui imposait de se manifester. La pratique consistant à écarter une offre pour absence de preuve spontanée est ainsi jugée contraire aux objectifs de la directive de 2014. Ce raisonnement protège les entreprises contre des exigences administratives imprévisibles qui limiteraient indûment l’accès à la commande publique européenne. La protection du candidat dépend alors de la publicité préalable des règles de procédure fixées par le pouvoir adjudicateur.

B. La subordination de la preuve à une publicité préalable

L’exigence de production spontanée des mesures correctrices n’est licite que si elle revêt un caractère formel et parfaitement accessible aux soumissionnaires. Le juge européen précise que cette obligation doit être inscrite de manière « claire, précise et univoque » dans le cadre juridique applicable. Les documents du marché doivent impérativement mentionner cette modalité pour que le non-respect de celle-ci puisse justifier l’exclusion d’un candidat. Cette exigence de clarté garantit que tous les participants disposent d’une information égale sur les formalités à accomplir pour justifier de leur réhabilitation. En liant la régularité de la procédure à la transparence des documents initiaux, la Cour limite le pouvoir discrétionnaire des administrations nationales. Cette clarification sur la forme de l’obligation de preuve permet d’aborder la question de l’autorité juridique directe de la norme interprétée.

II. L’affirmation de l’effet direct au service de la fiabilité

A. La reconnaissance de l’invocabilité juridictionnelle de la norme

Le second apport majeur de cette décision réside dans la confirmation de la pleine efficacité juridique de l’article 57 paragraphe 6. La Cour de justice énonce que cette disposition « doit être interprétée en ce sens qu’elle produit un effet direct ». Cette qualification signifie que la règle est suffisamment précise et inconditionnelle pour être invoquée par les particuliers devant leurs juges nationaux. Les opérateurs peuvent ainsi s’opposer à des pratiques administratives contraires sans attendre une mesure de transposition nationale plus détaillée. L’effet direct assure une application immédiate et uniforme du droit de l’Union sur l’ensemble du territoire des États membres. Il constitue un outil puissant de régulation qui contraint les autorités adjudicatrices à respecter scrupuleusement les droits fondamentaux des candidats.

B. La sécurisation de la situation juridique du candidat

La solution renforce la sécurité des acteurs économiques en stabilisant les règles de jeu lors de la présentation de leurs offres de services. Le candidat bénéficie d’un droit subjectif à la réhabilitation qu’il peut exercer dès lors qu’il remplit les conditions de fond prévues. L’autorité publique ne peut plus opposer des obstacles procéduraux artificiels pour rejeter une demande de participation sans examen préalable du sérieux des correctifs. Cette jurisprudence favorise une concurrence saine en permettant aux entreprises ayant corrigé leurs erreurs passées de réintégrer les circuits économiques publics. Le juge national devient le garant de l’effectivité de ce droit en censurant tout automatisme d’exclusion fondé sur des pratiques non publiées. Cette protection juridique consolidée assure finalement un équilibre entre la probité nécessaire des cocontractants et la liberté d’accès aux marchés.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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