Cour de justice de l’Union européenne, le 14 juillet 2011, n°C-303/09

    La Cour de justice de l’Union européenne a rendu cet arrêt le 13 octobre 2011 dans une affaire de manquement. Le litige trouve son origine dans une décision de l’institution déclarant un régime d’aides publiques incompatible avec le marché commun. L’État membre concerné devait récupérer les sommes versées auprès des bénéficiaires ayant réalisé des investissements après des calamités naturelles. Plusieurs années après la notification, une partie significative des aides illégales n’avait toujours pas été recouvrée par les autorités nationales. L’institution a engagé une procédure précontentieuse avant de saisir la juridiction pour violation des obligations issues du traité européen. Le demandeur soutient que l’obligation de récupération constitue une véritable obligation de résultat devant être immédiate et aussi effective. L’État défendeur invoque des difficultés de calcul, des cas d’évasion fiscale et des suspensions ordonnées par ses propres juges. Le problème juridique consiste à savoir si des obstacles de droit interne justifient le défaut d’exécution d’une décision européenne. La Cour conclut que seule l’impossibilité absolue d’exécution permet de s’exonérer de l’obligation de récupération des aides étatiques illégales. L’étude portera d’abord sur la rigueur de l’obligation de résultat avant d’aborder l’inopérance des obstacles procéduraux nationaux.

I. L’affirmation rigoureuse d’une obligation de résultat en matière de récupération

    La Cour rappelle avec fermeté que les décisions de l’institution possèdent une force obligatoire absolue pour l’État membre destinataire.

A. L’exigence d’une exécution immédiate et effective des décisions de récupération

    L’État membre destinataire d’une décision de récupération doit prendre « toutes les mesures propres à assurer l’exécution » de celle-ci. La jurisprudence impose systématiquement que les autorités nationales parviennent à « une récupération effective des sommes dues » sans aucun délai. Ainsi, une récupération tardive intervenant après les dates prescrites ne saurait jamais satisfaire aux exigences fondamentales du droit européen. L’obligation de résultat prime sur les simples tentatives administratives ou les processus législatifs trop lents menés par les autorités nationales. Cette diligence est nécessaire pour supprimer l’avantage concurrentiel dont ont bénéficié les entreprises aidées de manière tout à fait illégale.

B. L’interprétation restrictive du moyen de défense tiré de l’impossibilité absolue

    Le seul moyen de défense admissible contre un recours en manquement demeure celui de l’ « impossibilité absolue d’exécuter correctement la décision ». Toutefois, cette condition n’est pas remplie si l’État se limite à invoquer des difficultés juridiques, politiques ou même purement pratiques. Les autorités doivent entreprendre des démarches réelles auprès des bénéficiaires et proposer des solutions de rechange à l’institution compétente. Le devoir de coopération loyale impose aux parties de collaborer de bonne foi afin de surmonter les divers obstacles imprévus. L’État doit soumettre toute difficulté à l’appréciation de l’institution en proposant des modifications appropriées à la décision de récupération initiale.

II. La primauté de l’effet utile du droit de l’Union face aux obstacles procéduraux nationaux

    La solution retenue neutralise les spécificités du droit interne qui entravent le rétablissement de la saine concurrence dans l’Union.

A. L’inopérance des difficultés internes et des qualifications de droit national

    Le besoin de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise n’est pas de nature à justifier la non-exécution de la décision. L’État ne peut exciper de sa législation fiscale ou de l’évasion fiscale pour se soustraire à ses obligations de récupération. La question de la conformité de l’avantage à la législation interne est sans incidence sur l’obligation de restitution des aides. En effet, les mesures législatives prises tardivement s’avèrent inefficaces et ne répondent pas aux exigences fixées par la jurisprudence constante. L’effet utile du droit européen exige que les procédures nationales permettent l’exécution immédiate des décisions prises par l’institution.

B. L’encadrement strict du sursis à exécution prononcé par les juridictions nationales

    L’existence de décisions juridictionnelles internes ordonnant la suspension de la récupération ne constitue pas une excuse valable pour l’État membre. Le juge national peut seulement ordonner un sursis s’il nourrit des « doutes sérieux sur la validité de l’acte de l’Union ». Cette faculté est strictement conditionnée par l’obligation de saisir la Cour de justice d’une question préjudicielle portant sur la validité. En l’espèce, l’absence de contestation de la légalité de la décision initiale rend les suspensions nationales contraires au droit de l’Union. La primauté du droit européen fait ainsi obstacle à ce que des recours internes paralysent indéfiniment la récupération des aides.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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