Cour de justice de l’Union européenne, le 14 juillet 2016, n°C-526/14

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, par un arrêt de Grande chambre le 19 juillet 2016, une décision fondamentale. Elle était saisie par une juridiction constitutionnelle d’une demande préjudicielle portant sur la validité d’une communication de la Commission européenne.

Cinq établissements bancaires présentaient un déficit important de fonds propres, rendant nécessaire l’adoption de mesures exceptionnelles pour redresser le système financier national. La législation interne prévoyait l’annulation ou la conversion forcée de titres subordonnés afin de combler les pertes avant l’octroi d’un soutien public. Les investisseurs contestaient ces mesures en invoquant le droit de propriété, la protection de la confiance légitime et le droit des sociétés commerciales.

La juridiction de renvoi s’interrogeait sur la validité des points 40 à 46 de la communication de la Commission relative au secteur bancaire. La Cour de justice devait décider si ces dispositions constituaient une condition admissible pour l’autorisation des aides d’État par les institutions européennes. L’arrêt confirme la validité de la communication en soulignant son caractère non contraignant tout en validant le principe de la répartition des charges.

Le raisonnement du juge européen s’articule autour de la nature juridique de la communication avant d’aborder la conciliation des intérêts financiers et individuels.

I. La validité juridique de l’exigence de répartition des charges

A. Le caractère non contraignant de la communication de la Commission

La Cour souligne que la communication relative au secteur bancaire « n’est pas susceptible de créer des obligations autonomes à la charge des États membres ». Elle constitue une règle de conduite par laquelle la Commission s’autolimite simplement dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation économique.

Les États membres conservent la faculté de notifier des projets d’aide ne satisfaisant pas aux critères prévus par ce texte de référence. La Commission peut alors autoriser de tels projets dans des circonstances exceptionnelles sans être strictement liée par les conditions de sa communication.

B. La conformité de la répartition des charges au droit des aides d’État

La répartition des charges entre actionnaires et créanciers subordonnés vise à limiter l’aide publique au minimum nécessaire pour préserver la concurrence. Cette exigence permet d’éviter l’aléa moral en s’assurant que les investisseurs contribuent de façon appropriée aux coûts de la restructuration financière.

Une aide accordée sans contribution préalable des investisseurs risquerait de provoquer des distorsions importantes au sein du marché intérieur européen. La Cour estime donc que la Commission peut légitimement subordonner son autorisation à une juste répartition des coûts entre les parties prenantes.

II. La protection mesurée des droits des investisseurs et associés

A. L’absence d’atteinte disproportionnée aux droits des créanciers

Le juge écarte toute violation du droit de propriété ou du principe de protection de la confiance légitime des créanciers des établissements bancaires. Les opérateurs économiques ne sont pas fondés à placer leur confiance dans le maintien d’une situation existante pouvant évoluer selon la conjoncture.

Les mesures de répartition des charges respectent d’ailleurs le principe selon lequel « aucun créancier ne peut être plus désavantagé » que lors d’une faillite. L’atteinte au droit de propriété n’est pas établie puisque les pertes auraient été similaires sans l’intervention salvatrice de l’autorité publique.

B. La primauté de l’objectif de stabilité financière sur le droit des sociétés

La protection des intérêts des associés garantie par le droit dérivé ne saurait primer sur l’objectif impérieux de garantir la stabilité financière. Des modifications du capital social peuvent être ordonnées par une autorité publique sans décision préalable de l’assemblée générale lors de crises majeures.

Ces interventions exceptionnelles constituent des « mesures d’assainissement » car elles sont destinées à rétablir la situation financière dégradée d’un établissement de crédit. Le droit de l’Union autorise ainsi des dérogations aux règles ordinaires du droit des sociétés pour prévenir un risque systémique global.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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