Cour de justice de l’Union européenne, le 14 juillet 2022, n°C-572/21

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 14 juillet 2022, une décision fondamentale relative à la compétence internationale en matière de responsabilité parentale. Ce litige concerne l’interprétation du règlement Bruxelles II bis face au transfert de résidence d’un enfant vers un État tiers signataire de la Convention de la Haye.

Un enfant né en Suède y a résidé jusqu’en octobre 2019 avant de rejoindre un internat situé sur le territoire de la Fédération de Russie. Le père a saisi les juridictions suédoises pour obtenir la garde exclusive alors que la mère invoquait l’incompétence du tribunal saisi.

Le tribunal de première instance puis la Cour d’appel de Malmö ont successivement retenu la compétence des juridictions nationales sur le fondement de la résidence habituelle. Saisie d’un pourvoi, la Cour suprême de Suède a sollicité une décision préjudicielle par une ordonnance datée du 14 septembre 2021.

La question posée porte sur le maintien de la compétence du juge d’un État membre lorsque l’enfant déplace sa résidence habituelle vers un État tiers. La Cour juge que l’article 8 paragraphe 1 cesse de s’appliquer si la résidence habituelle est transférée vers un État partie à la Convention de la Haye.

L’analyse de cette solution impose d’examiner l’effacement du principe de la perpétuation du for avant d’aborder la primauté nécessaire des engagements conventionnels internationaux.

**I. L’effacement du principe de la perpétuation du for**

**A. Une lecture temporelle renouvelée de la résidence habituelle**

L’article 8 du règlement dispose que la compétence est fixée au moment où la juridiction est saisie, consacrant ainsi traditionnellement la règle de la continuité juridictionnelle. Toutefois, la Cour précise que l’article 61 sous a ne contient pas de référence explicite à la date de saisine pour déterminer la résidence. Elle considère que la résidence habituelle doit s’apprécier « au moment où la juridiction compétente statue » afin de respecter la réalité géographique du centre de vie de l’enfant. Cette interprétation écarte la règle de la perpétuation du for au profit d’une approche factuelle et évolutive de la situation du mineur durant la procédure.

**B. La mise à l’écart de la compétence de proximité initiale**

Le texte prévoit que le règlement s’applique « lorsque l’enfant concerné a sa résidence habituelle sur le territoire d’un État membre » lors de ses relations conventionnelles. Cette condition d’application spatiale prime sur la règle de compétence générale dès lors qu’un État tiers partie à la Convention de la Haye est impliqué. La Cour souligne que « l’application de l’article 8 paragraphe 1 du règlement doit être écartée au profit de celle des stipulations de cette convention ». Le transfert légal de la résidence hors de l’Union européenne entraîne alors une perte de compétence immédiate pour le juge national initialement saisi. Cette rupture processuelle marque une volonté de coordonner les ordres juridiques pour assurer la primauté des engagements conventionnels internationaux de l’Union.

**II. La primauté des engagements conventionnels internationaux**

**A. La sauvegarde de l’intégrité de la Convention de la Haye de 1996**

Le règlement ne saurait porter atteinte aux obligations internationales des États membres qui sont également parties contractantes à la convention signée à la Haye. L’article 52 paragraphe 3 de ladite convention interdit aux accords régionaux d’affecter l’application de ses dispositions dans les rapports avec les autres États tiers. La Cour rappelle qu’admettre une compétence prolongée « conduirait les États membres à agir à l’encontre de leurs obligations internationales » vis-à-vis des partenaires conventionnels. Le respect de la règle conventionnelle de l’article 5 paragraphe 2 impose dorénavant la compétence des autorités de l’État de la nouvelle résidence habituelle.

**B. La protection de l’intérêt supérieur par la proximité effective**

Le déplacement de la compétence vers l’État de la nouvelle résidence est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant tel que défini par le droit européen. Les juges du nouvel État de résidence sont effectivement les mieux placés pour apprécier les mesures de protection grâce à leur proximité géographique immédiate. La Cour affirme que cette substitution de compétence « ne conduit pas, en soi, à compromettre l’intérêt supérieur de l’enfant » car chaque État doit le protéger. La solution garantit que la décision finale sera rendue par la juridiction la plus à même de recueillir les preuves nécessaires sur le terrain. Ce pragmatisme juridique privilégie l’efficacité de la mesure de protection parentale sur la rigueur de la procédure engagée initialement dans l’État de départ.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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