La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 14 mars 2018, une décision relative à l’interprétation du principe de non-discrimination en fonction de l’âge. Ce litige porte sur la compatibilité d’un régime professionnel de rémunération avec la directive portant création d’un cadre général pour l’égalité de traitement.
Un agent a intégré une entreprise de transport ferroviaire en 1983 après avoir accompli des périodes de service antérieures auprès d’autres employeurs. Le système initial de calcul de la rémunération excluait systématiquement les années d’activité réalisées avant que le salarié n’ait atteint l’âge de dix-huit ans.
Le tribunal régional d’Innsbruck a rejeté, dans un premier temps, le recours du salarié visant à obtenir le paiement d’un complément de salaire rétroactif. Saisie en appel, la juridiction de second degré a décidé de surseoir à statuer afin de solliciter l’interprétation de la haute juridiction européenne.
La question posée concerne la validité d’une réforme rétroactive supprimant la limite d’âge mais restreignant l’expérience reconnue aux seuls emplois du même secteur économique. La Cour affirme que les dispositions européennes « ne s’opposent pas à une réglementation nationale » opérant une telle modification globale du régime de l’avancement.
L’analyse de la pertinence de l’expérience professionnelle justifie ce nouveau cadre législatif avant d’envisager les mesures spécifiques de protection de l’équilibre salarial.
I. La validation des critères de prise en compte de l’expérience professionnelle
A. L’éviction rétroactive de la limite d’âge discriminatoire
Le législateur national a instauré une réforme complète pour supprimer la limite d’âge de dix-huit ans initialement fixée pour l’avancement des échelons de salaire. Cette modification intervient pour mettre fin à une différence de traitement formelle entre les travailleurs ayant débuté leur carrière très tôt et les autres.
L’arrêt précise que le « principe d’égalité ne peut être assuré que par l’octroi aux personnes de la catégorie défavorisée des mêmes avantages » que les privilégiés. La suppression rétroactive du critère de l’âge permet ainsi de rétablir une base de calcul neutre pour l’ensemble des personnels de l’entreprise.
B. La licéité de la restriction sectorielle de l’expérience acquise
La nouvelle réglementation autorise désormais uniquement la prise en compte intégrale de l’expérience professionnelle acquise auprès d’entreprises opérant spécifiquement dans le secteur ferroviaire. Ce choix restreint délibérément le champ des périodes d’activité antérieures valorisables par les salariés lors de la détermination de leur date de référence.
La juridiction souligne que « le fait de récompenser l’expérience acquise dans le domaine concerné […] constitue un but légitime de politique salariale » pour l’employeur. Cette condition n’est pas fondée sur l’âge des individus mais sur la nature technique des compétences acquises durant leur parcours professionnel antérieur.
L’étude de la validité de ces critères d’ancienneté conduit nécessairement à examiner les mécanismes de transition destinés à préserver la situation financière des agents.
II. La conciliation de la non-discrimination avec la protection des droits acquis
A. La validité de la clause de sauvegarde au regard du droit européen
Le dispositif législatif prévoit le maintien du niveau de salaire pour les agents qui subiraient un déclassement d’échelon suite au nouveau calcul de référence. Cette clause de sauvegarde garantit l’absence de perte pécuniaire immédiate pour les travailleurs dont l’expérience passée n’est plus considérée comme pertinente sectoriellement.
La Cour considère que le législateur a ainsi « respecté un équilibre entre […] la suppression de la discrimination en raison de l’âge et […] le maintien des droits acquis ». La protection de la confiance légitime des salariés constitue une justification suffisante pour instaurer des mesures de transition lors d’une réforme structurelle.
B. La reconnaissance d’une marge d’appréciation étatique étendue
L’institution européenne confirme que les États membres disposent d’une liberté importante pour choisir les mesures propres à réaliser l’objectif d’égalité de traitement. La réforme n’est pas jugée discriminatoire simplement parce qu’elle n’avantage pas l’intégralité des travailleurs de manière uniforme lors du changement de système.
Le juge européen refuse d’imposer une augmentation salariale automatique pour compenser les discriminations passées dès lors qu’un nouveau régime cohérent est effectivement mis en place. Cette solution préserve les capacités budgétaires des entités nationales tout en assurant une transition juridique conforme aux exigences de la charte des droits fondamentaux.