Cour de justice de l’Union européenne, le 14 novembre 2013, n°C-383/12

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 14 novembre 2013, précise les conditions de protection d’une marque jouissant d’une renommée. Un opérateur contestait l’enregistrement d’un signe figuratif représentant une tête d’animal en invoquant une atteinte au caractère distinctif de ses propres marques antérieures. L’autorité compétente en matière de propriété intellectuelle rejeta initialement cette opposition au motif que la preuve d’un préjudice sérieux n’était pas formellement rapportée. Le Tribunal de l’Union européenne, saisi d’un recours, annula cette décision en considérant qu’un risque de dilution suffisait à caractériser une telle atteinte juridique. Le requérant sollicite donc l’annulation de cet arrêt pour erreur de droit dans l’interprétation du règlement relatif à la marque de l’Union européenne. La juridiction doit déterminer si la modification du comportement économique du consommateur constitue une condition nécessaire et autonome pour établir l’existence d’un préjudice. La Cour juge que cette modification doit être démontrée par des éléments concrets ou par une analyse prospective sérieuse excluant toute déduction purement logique.

I. L’exigence de preuve d’une modification du comportement économique

A. L’autonomie de la condition relative au comportement des consommateurs

La Cour souligne que le préjudice au caractère distinctif suppose une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits visés par les marques. Elle affirme que cette exigence « constitue un élément objectif qui ne peut pas être déduit seulement d’éléments subjectifs tels que la simple perception ». Une telle approche garantit que la protection élargie accordée aux marques de renommée ne devienne pas une entrave disproportionnée à la libre circulation. L’interprétation retenue par le juge impose ainsi une distinction claire entre le lien psychologique établi par le public et les conséquences économiques de ce lien. La modification du comportement devient le pivot central de l’action en opposition pour les titulaires de droits antérieurs bénéficiant d’une large diffusion.

B. Le rejet d’une déduction purement théorique du risque de dilution

Le juge européen censure le raisonnement par lequel le Tribunal avait admis une déduction logique du risque à partir de la seule dispersion de l’identité. La décision énonce que « l’existence de la modification du comportement économique du consommateur ne saurait être établie sur la base de déductions logiques ». Le juge impose une rigueur factuelle interdisant de fonder une solution sur des probabilités abstraites sans aucun ancrage véritable dans la réalité du marché. Cette exigence de matérialité protège les nouveaux entrants contre des oppositions systématiques fondées sur la seule notoriété des signes déjà présents dans l’espace économique. Le raisonnement juridique s’écarte des présomptions automatiques pour privilégier une analyse fine des interactions entre le signe nouveau et les habitudes de consommation existantes.

II. Les conséquences procédurales et probatoires du contrôle de la renommée

A. Le renforcement de la charge de la preuve pesant sur l’opposant

L’opposant doit désormais fournir des indices sérieux permettant de conclure à un changement effectif ou potentiel des habitudes d’achat de sa clientèle habituelle ou nouvelle. Cette preuve ne peut résider dans la seule similitude des signes ou dans l’existence d’un lien mental dans l’esprit du public concerné par l’usage. La protection de la renommée exige une démonstration précise des conséquences du nouvel enregistrement sur la capacité d’attraction commerciale de la marque premièrement enregistrée. L’exigence probatoire se déplace ainsi d’une analyse sémantique des signes vers une analyse économique de l’impact concurrentiel réel sur le territoire de l’Union. Les parties doivent produire des études de marché ou des données chiffrées pour étayer le risque de dilution allégué devant les instances de l’Office.

B. L’encadrement strict du pouvoir d’appréciation du Tribunal de l’Union européenne

En annulant et en renvoyant l’affaire, la Cour rappelle au Tribunal l’obligation de vérifier concrètement si les faits permettent de caractériser un préjudice certain et actuel. Cette position limite la marge de manœuvre des juges du fond dans l’appréciation des risques de parasitisme ou de dilution des signes distinctifs en cause. Le droit des marques s’oriente vers une protection équilibrée entre les intérêts des titulaires renommés et ceux des opérateurs souhaitant investir de nouveaux segments. La décision garantit une sécurité juridique accrue en imposant des critères d’évaluation uniformes et prévisibles pour l’ensemble des juridictions et autorités de l’Union. Le renvoi permet d’assurer que la solution finale reposera sur une application rigoureuse des principes dégagés par la haute juridiction lors de ce pourvoi.

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Hassan KOHEN
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