Cour de justice de l’Union européenne, le 14 novembre 2024, n°C-230/23

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 6 octobre 2025, précise les conditions d’invocabilité de la directive 2001/29. Le litige opposait un particulier à un organisme national de perception au sujet du paiement de compensations financières liées au droit d’auteur. La juridiction de renvoi interrogeait la Cour sur la possibilité pour un justiciable de contester une réglementation interne non conforme devant le juge national. La décision rendue confirme que les dispositions européennes peuvent être opposées à des entités privées exerçant des prérogatives de puissance publique. L’article 5 paragraphe 2 de la directive bénéficie d’un effet direct permettant d’écarter l’application des règles nationales imposant une rémunération illicite.

L’étude de cette solution conduit à examiner l’invocabilité de la directive face aux organismes collecteurs avant d’analyser l’éviction des prélèvements nationaux contraires.

I. L’invocabilité de la directive à l’encontre des organismes de perception

La Cour subordonne l’opposabilité du droit de l’Union à la nature des pouvoirs dont dispose l’entité chargée de collecter les compensations équitables.

A. Le critère des pouvoirs exorbitants de l’entité de perception

Le juge européen considère qu’une entité peut se voir opposer une directive « dès lors qu’une telle entité dispose […] de pouvoirs exorbitants ». Cette qualification juridique permet d’assimiler l’organisme de perception à une émanation de l’État membre malgré sa structure juridique potentiellement privée. L’accomplissement d’une « mission d’intérêt public » justifie que le particulier puisse revendiquer le bénéfice des dispositions européennes directement contre cet intermédiaire. La détention de prérogatives dépassant les règles communes des relations entre particuliers constitue l’élément déterminant pour engager la responsabilité de l’entité.

B. La reconnaissance de l’effet direct vertical

La Cour affirme explicitement que l’article 5 paragraphe 2 de la directive « est doté d’un effet direct » dans l’ordre juridique des États membres. Cette caractéristique permet aux individus d’invoquer une norme européenne claire et inconditionnelle pour pallier l’absence de transposition correcte du texte initial. Le particulier est ainsi fondé à se prévaloir de ses droits subjectifs sans que l’État puisse lui opposer sa propre carence législative. La force obligatoire des objectifs communautaires se trouve ainsi renforcée par cette possibilité d’invocation directe devant les juridictions nationales compétentes.

Cette reconnaissance d’un effet direct entraîne des conséquences majeures sur le maintien des obligations financières imposées par les réglementations nationales défaillantes.

II. L’éviction des prélèvements nationaux contraires au droit de l’Union

Le juge européen garantit aux redevables le droit de refuser le paiement de redevances établies en violation manifeste des prescriptions de la directive.

A. Le droit d’écarter l’application de la réglementation nationale

Le particulier peut invoquer la directive « en vue d’écarter l’application de règles nationales l’obligeant à payer une rémunération » pour compensation équitable. Le principe de primauté impose au juge national de laisser inappliquée toute norme interne qui méconnaîtrait les dispositions précises du droit de l’Union. Cette sanction juridique assure une protection immédiate du justiciable contre les exigences financières d’un État n’ayant pas respecté ses engagements européens. L’efficacité du droit de l’Union repose sur cette capacité des tribunaux à neutraliser les effets d’une loi nationale jugée incompatible.

B. La protection du particulier contre les rémunérations illicites

La décision protège le débiteur contre toute « rémunération pour compensation équitable imposée en violation de ladite disposition » par l’entité de perception concernée. Le montant réclamé doit respecter strictement les critères européens définis pour l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur dans la société de l’information. Le juge national doit vérifier que la perception des fonds n’excède pas les limites autorisées par les exceptions prévues au texte européen. Cette solution renforce la sécurité juridique des acteurs économiques face aux interprétations parfois extensives des législations nationales sur la copie privée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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