La Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision le 6 octobre 2025 relative à l’interprétation de la directive sur les pratiques commerciales déloyales. Un professionnel proposait de manière concomitante une offre de prêt personnel et une assurance non liée à ce crédit à des particuliers. Saisie à titre préjudiciel par une juridiction nationale, la Cour devait déterminer si une telle pratique présentait un caractère agressif ou déloyal systématique. Le litige opposait l’autorité de régulation nationale au professionnel concernant la légalité de cette modalité de vente groupée sur le marché intérieur. La question posée aux juges portait sur la définition du consommateur moyen et sur la possibilité d’imposer un délai de réflexion obligatoire. La Cour précise que la notion de consommateur moyen inclut l’influence potentielle des biais cognitifs sans toutefois interdire l’offre simultanée de produits. Le raisonnement de la juridiction européenne s’articule autour de la protection du consentement individuel et de l’encadrement des mesures correctives nationales.
I. L’appréciation nuancée de la psychologie du consommateur moyen
A. La prise en compte des biais cognitifs dans la définition de référence
La Cour rappelle que la « notion de « consommateur moyen » […] doit être définie par référence à un consommateur normalement informé ainsi que raisonnablement attentif et avisé ». Cette approche standardisée permet d’établir un seuil de protection uniforme pour les échanges commerciaux au sein de l’espace européen. Les juges soulignent cependant que la capacité de décision d’un individu est « susceptible d’être altérée par des contraintes, telles que des biais cognitifs ». Cette reconnaissance explicite des mécanismes psychologiques marque une évolution vers une protection plus concrète des vulnérabilités humaines lors de l’acte d’achat. L’existence de ces biais justifie une vigilance accrue des autorités sans pour autant remettre en cause le modèle théorique du consommateur diligent.
B. La classification juridique de la pratique commerciale simultanée
La proposition conjointe d’un prêt et d’une assurance ne constitue pas « une pratique commerciale agressive en toutes circonstances » au sens de la directive. La Cour refuse de consacrer une interdiction générale de ces offres simultanées qui demeurent fréquentes dans le secteur financier et bancaire. Elle estime que cette modalité de vente n’est pas « réputée déloyale en toutes circonstances » sans un examen spécifique des conditions entourant la transaction. Cette solution préserve la liberté contractuelle des opérateurs tout en exigeant une analyse factuelle rigoureuse de chaque situation par les juridictions nationales. La protection du consommateur s’organise ainsi par une évaluation concrète des pressions exercées par le professionnel lors de la signature.
II. L’encadrement des remèdes nationaux et la préservation du consentement
A. La légitimité du délai de réflexion comme mesure corrective
La mesure nationale imposant « un délai de réflexion raisonnable entre les dates de la signature du contrat d’assurance et du contrat de prêt » est validée. Cette faculté est ouverte une fois constaté le caractère agressif ou déloyal de la pratique adoptée par un professionnel identifié. Le délai de réflexion garantit au consommateur la possibilité de mûrir sa décision sans subir la pression d’une signature immédiate et concomitante. Par cette précision, la Cour renforce l’arsenal juridique des autorités nationales chargées de veiller à la loyauté des relations entre entreprises et particuliers. L’intervention administrative se trouve ainsi justifiée par la nécessité de restaurer une autonomie de la volonté que la simultanéité des offres fragilise.
B. La conciliation nécessaire avec la liberté d’entreprise
L’autorité nationale doit privilégier des moyens moins attentatoires à la liberté d’entreprise s’ils s’avèrent tout aussi efficaces pour cesser la pratique litigieuse. Ce principe de proportionnalité encadre strictement l’intervention des États membres afin de ne pas entraver indûment l’activité économique des opérateurs de marché. La Cour lie ainsi l’application de la directive sur la distribution d’assurances aux exigences fondamentales de nécessité et d’adéquation de la sanction. Cette interprétation assure un équilibre entre le maintien d’une concurrence saine et la protection impérative du consentement libre et éclairé du consommateur. Le respect de la liberté d’entreprendre demeure la limite supérieure de l’action régulatrice destinée à prévenir les abus commerciaux.