La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 14 octobre 2020 un arrêt relatif à la restitution de taxes nationales perçues indûment. La juridiction était saisie d’un renvoi préjudiciel portant sur l’interprétation des principes de coopération loyale, d’équivalence et d’effectivité du droit de l’Union. Une société avait acquitté une taxe environnementale pour l’immatriculation d’un véhicule d’occasion provenant d’un autre État membre de l’Union européenne. Cette taxe fut ultérieurement jugée incompatible avec le droit de l’Union par la jurisprudence constante de la Cour de justice.

En 2017, une ordonnance d’urgence nationale a instauré un droit au remboursement assorti d’un délai de forclusion fixé au 31 août 2018. La requérante a formulé sa demande après cette date butoir mais avant l’expiration du délai de prescription quinquennal de droit commun. L’administration a rejeté la requête en raison de sa tardiveté par rapport à la réglementation spéciale applicable aux taxes environnementales. Le Tribunalul Vâlcea a alors sursis à statuer pour interroger la Cour sur la légalité de cette forclusion spécifique.

La question posée concerne la compatibilité d’un délai de forclusion d’un an pour les taxes contraires au droit de l’Union européenne. Le juge européen doit déterminer si cette restriction respecte les exigences d’équivalence avec le régime national et d’effectivité des droits. La Cour répond qu’un délai d’un an est conforme au principe d’effectivité mais viole le principe d’équivalence s’il est plus court que le délai général. La validité du délai annuel au regard du principe d’effectivité précède l’analyse de sa contrariété manifeste au principe d’équivalence.

I. L’admission du délai de forclusion annuel au regard du principe d’effectivité

A. L’exercice de l’autonomie procédurale dans la fixation des délais

En l’absence de réglementation harmonisée, il appartient à chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours destinés à sauvegarder les droits. Cette autonomie permet aux autorités nationales de fixer des délais de prescription ou de forclusion pour assurer la sécurité juridique des relations financières. Le principe d’effectivité interdit toutefois que ces modalités rendent en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’Union. La Cour rappelle que « la fixation de délais raisonnables de recours satisfait, en principe, à l’exigence d’effectivité » car elle protège l’administration.

Le juge européen vérifie si le point de départ du délai ne rend pas l’exercice du droit au remboursement purement illusoire pour le contribuable. L’ordonnance nationale de 2017 visait précisément à remédier à une violation constatée du droit de l’Union en ouvrant une nouvelle voie de droit. Cette intervention législative garantit que le justiciable dispose d’une information claire sur les conditions de récupération des sommes versées sans cause légale. L’organisation d’un régime de restitution spécifique s’inscrit ainsi dans une démarche de mise en conformité du droit interne avec les obligations européennes.

B. Le caractère suffisant d’un délai d’une année

La Cour de justice estime qu’un délai d’environ un an ne constitue pas une entrave déraisonnable à la protection juridictionnelle des citoyens. Cette durée est jugée suffisante pour permettre à un contribuable normalement diligent de préparer sa demande de remboursement auprès des autorités compétentes. Le juge précise que « le principe d’effectivité… ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation d’un État membre fixe, à peine de forclusion, un délai… d’une durée d’environ un an ». Cette solution confirme une jurisprudence établie reconnaissant la validité des délais courts s’ils respectent les droits de la défense.

Le caractère proportionné du délai s’apprécie au regard du principe de sécurité juridique qui protège tant l’intéressé que l’administration fiscale de l’État. Un délai annuel permet de stabiliser les situations juridiques et de prévoir les charges budgétaires liées aux restitutions massives de taxes indues. La seule brièveté de la période de forclusion ne suffit pas à caractériser une méconnaissance de l’impératif d’effectivité du droit européen. Cependant, cette validité intrinsèque reste strictement subordonnée au respect de la parité de traitement avec les recours fondés sur le droit national.

II. La sanction de la discrimination procédurale au regard du principe d’équivalence

A. L’exigence de parité entre les recours internes et européens

Le principe d’équivalence implique que les modalités des recours fondés sur le droit de l’Union ne soient pas moins favorables que les recours similaires. La juridiction de renvoi constate que le délai général de prescription pour le remboursement des créances fiscales est de cinq années en droit interne. Cette prescription de droit commun s’applique aux sommes encaissées en violation des règles internes alors que le délai spécial est beaucoup plus court. Les demandes formées au titre de la réglementation européenne et celles fondées sur le droit interne présentent pourtant un objet et une cause semblables.

La Cour de justice souligne que l’objet d’une demande consiste à solliciter le remboursement d’une taxe perçue sans fondement juridique valable pour l’État. Il apparaît que les deux types de demandes visent la restitution de sommes indûment payées, ce qui rend la comparaison procédurale impérative. Le juge européen considère que l’existence d’un délai considérablement inférieur pour les taxes contraires au droit de l’Union crée une différence de traitement. Cette disparité procédurale constitue le point central de l’analyse juridique menée par la Cour pour assurer la cohérence des régimes de protection.

B. L’incompatibilité d’un régime dérogatoire restreignant les droits des contribuables

L’adoption d’un délai spécial visant à limiter l’impact budgétaire des restitutions ne saurait justifier une méconnaissance des principes fondamentaux du droit de l’Union. Le gouvernement soutenait que cette mesure prolongeait le délai pour certains contribuables dont les droits étaient déjà prescrits selon l’ancienne législation fiscale. La Cour rejette cet argument car le principe d’équivalence ne permet pas de compenser un désavantage subi par un groupe par un avantage octroyé. Une réglementation nationale ne peut pas réduire le délai de remboursement applicable à certains contribuables qui bénéficiaient auparavant du délai de cinq ans.

Le dispositif dérogatoire est déclaré contraire au droit de l’Union car il place les justiciables invoquant des normes européennes dans une situation moins avantageuse. La Cour conclut que « le principe d’équivalence… s’oppose à ce qu’une réglementation d’un État membre fixe… un délai d’environ un an… alors qu’un tel délai n’a pas été prévu… pour les demandes similaires ». Cette décision impose aux juridictions nationales d’écarter le délai de forclusion spécial au profit du délai de prescription général plus favorable. La protection des finances publiques ne peut s’opérer au détriment de l’égalité de traitement entre les violations du droit national et européen.

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