La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 14 octobre 2021, précise les contours de la qualification de produit biocide. Le litige oppose deux sociétés commerciales au sujet de la commercialisation d’un agent de lutte contre les acariens contenant de la terre de diatomées. Une entreprise invoque une pratique de concurrence déloyale car le produit concurrent contiendrait une substance active approuvée sans respecter les règles de mise sur le marché. En première instance, le tribunal régional de Cologne rejette la demande en estimant que l’action du produit litigieux demeure purement physique ou mécanique. Saisie en appel, le tribunal régional supérieur de Cologne interroge la Cour sur le caractère contraignant de l’approbation d’une substance pour la qualification du produit fini. Les juges luxembourgeois décident qu’un produit contenant une substance approuvée ne constitue pas nécessairement un produit biocide, sauf si sa composition est identique au produit représentatif. L’analyse portera sur le caractère conditionnel de la qualification de produit biocide avant d’étudier l’autorité attachée à la composition du produit représentatif.
I. Le caractère conditionnel de la qualification de produit biocide
A. L’exigence de critères cumulatifs pour l’identification du biocide
Le règlement européen définit le produit biocide comme « toute substance ou tout mélange […] constitué d’une ou plusieurs substances actives […] par une action autre qu’une simple action physique ou mécanique ». La qualification juridique repose sur la réunion de trois conditions techniques relatives à la composition, à la finalité et au mode d’action de la substance. L’interprétation textuelle impose de vérifier que l’effet destructeur ou préventif ne résulte pas exclusivement d’un processus mécanique sur l’organisme nuisible visé par l’utilisateur. La Cour rappelle que le produit doit être « destiné à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles » pour entrer dans le champ d’application de la législation. Cette approche rigoureuse interdit toute extension automatique de la notion de biocide à des produits dont l’influence sur le vivant demeure purement physique.
B. L’approbation de la substance comme indice non décisif
L’inscription d’un composant sur la liste des substances actives approuvées par la Commission constitue un indicateur sérieux mais insuffisant pour qualifier le produit final. La Cour énonce clairement que « la présence, dans le produit concerné, d’une substance active n’a pas pour effet, à elle seule, de lui conférer la qualité de produit biocide ». Le juge national conserve donc son pouvoir d’appréciation souverain pour déterminer si le produit litigieux remplit effectivement l’ensemble des conditions matérielles du règlement. Cette solution évite qu’une substance polyvalente ne soit systématiquement soumise aux contraintes du régime biocide lorsque son usage spécifique demeure mécaniquement inoffensif. La reconnaissance d’une substance active implique toutefois que le mode d’action non physique est « inhérent » à cette dernière dès lors qu’elle a franchi l’étape de l’approbation.
II. L’autorité de la composition du produit biocide représentatif
A. La portée juridique de l’approbation fondée sur un produit type
L’examen d’une substance active s’effectue nécessairement à travers l’étude d’un dossier comprenant au moins un produit biocide représentatif dont l’efficacité a été démontrée. La juridiction précise que « si la composition d’un produit donné est identique à celle du produit biocide représentatif […] la juridiction nationale saisie est alors tenue de qualifier ce produit ». Cette identité de composition crée une présomption irréfragable qui lie le juge national et empêche le fabricant de contester la nature biocide de sa préparation. L’approbation délivrée par voie de règlement d’exécution garantit ainsi une cohérence entre la phase d’évaluation scientifique de la substance et la phase de commercialisation. Le litige au principal illustre cette situation puisque la substance en cause avait été approuvée sur la base d’un produit pur composé intégralement de terre de diatomées.
B. La protection de la santé humaine face aux risques environnementaux
L’interprétation retenue par la Cour assure un niveau élevé de protection en se fondant sur le principe de précaution mentionné à l’article premier du règlement. L’objectif de l’harmonisation du marché intérieur impose que des produits identiques soient soumis aux mêmes règles de sécurité et d’utilisation au sein de l’Union. Les juges soulignent que « c’est la présence même d’une substance active en tant que telle dans un produit qui est susceptible de présenter un risque pour l’environnement ». Une société ne peut donc pas valablement opposer une action purement mécanique si son produit est strictement équivalent au spécimen ayant servi de référence à l’autorité publique. Cette solution garantit la sécurité juridique des opérateurs économiques tout en empêchant des pratiques commerciales qui contourneraient les exigences de protection sanitaire par des artifices techniques.