Par un arrêt du 8 juin 2017, la Cour de justice de l’Union européenne précise les critères de détermination de la résidence habituelle d’un nourrisson. Deux époux résidant en Italie décident que la mère accouchera en Grèce pour bénéficier de l’assistance de sa propre famille paternelle. L’enfant naît en février 2016 et séjourne continuellement dans son État de naissance avec sa mère depuis les premiers jours de sa vie. La mère exprime en juin 2016 sa volonté unilatérale de ne pas regagner le domicile conjugal situé dans la commune de Sassoferrato. Le père sollicite le divorce devant le Tribunal d’Ancône le 20 juillet 2016 pour obtenir la garde exclusive de sa fille. La Cour d’appel d’Ancône confirme l’incompétence italienne le 20 janvier 2017 suite à une décision du Tribunal d’Ancône le 7 novembre 2016. Saisi d’une demande de retour, le Tribunal de grande instance d’Athènes interroge la Cour sur l’interprétation de la notion de résidence habituelle. Il s’agit de savoir si l’intention initiale des parents suffit à établir cette résidence dans un État où l’enfant n’a jamais résidé. La Cour répond que l’intention parentale ne saurait primer le séjour effectif et continu du nourrisson dans son État membre de naissance. La détermination de la résidence habituelle repose sur un examen factuel excluant le mécanisme de l’enlèvement international en l’absence d’intégration préalable.
I. L’ancrage factuel de la notion de résidence habituelle
A. La primauté de l’intégration concrète sur l’intention parentale
La Cour rappelle que la résidence habituelle est une notion autonome du droit de l’Union devant être interprétée de manière uniforme. Elle correspond au « lieu qui traduit une certaine intégration de celui-ci dans un environnement social et familial ». L’intention des parents de s’établir avec l’enfant constitue seulement un indice de nature à compléter un faisceau d’éléments concordants. Dans cette espèce, le nourrisson a séjourné de manière ininterrompue en Grèce depuis sa naissance conformément à la volonté commune du couple. La Cour souligne que la résidence habituelle reflète essentiellement une question de fait difficilement conciliable avec une intention purement abstraite. « L’intention initiale des parents […] ne saurait en principe être à elle seule décisive pour déterminer la résidence habituelle d’un enfant ». Une règle générale attachant nécessairement la résidence du nourrisson à celle de ses parents irait au-delà des limites du règlement. L’intégration dans l’environnement familial de la mère, personne de référence du nouveau-né, prévaut ainsi sur les projets initiaux des époux.
B. L’inopérance de la fiction juridique du domicile parental
Le consentement du père au lieu de résidence ne saurait constituer une considération décisive pour établir la résidence habituelle du nourrisson. L’illégalité du non-retour s’apprécie uniquement au regard du droit de l’État où l’enfant résidait immédiatement avant les faits litigieux. La détermination de la résidence habituelle précède donc nécessairement l’identification d’une éventuelle violation des droits de garde exercés par le père. En l’absence de présence physique en Italie, le nourrisson n’a pu y acquérir un environnement familier justifiant sa protection. La Cour refuse de consacrer une résidence fictive qui ignorerait la réalité du séjour effectif de l’enfant sur le territoire grec. Cette solution évite de qualifier d’illicite une situation résultant d’un accord parental initial sur le lieu de l’accouchement.
II. Les impératifs de célérité et d’intérêt supérieur de l’enfant
La procédure de retour est par nature expéditive et doit aboutir à une décision dans un délai maximal de six semaines. Cette exigence de célérité guide l’interprétation des juges européens vers des éléments factuels objectifs et facilement identifiables.
A. La préservation de l’efficacité de la procédure de retour
Elle doit se fonder sur des éléments « rapidement et facilement vérifiables et, dans la mesure du possible, univoques ». Rechercher l’intention réelle des parents au moment de la naissance exigerait des enquêtes complexes incompatibles avec les délais impératifs du règlement. Une telle démarche contraindrait les juridictions nationales à recueillir de nombreux témoignages sur des accords verbaux souvent contestés par les parties. En privilégiant le fait matériel du séjour, la Cour assure la sécurité juridique indispensable au bon fonctionnement de l’espace judiciaire européen. Le rétablissement du statu quo ante ne peut concerner qu’un environnement familier déjà existant pour l’enfant concerné.
B. La proximité juridictionnelle au service du bien-être du nourrisson
L’intérêt supérieur de l’enfant commande que les décisions le concernant soient prises par le juge le plus proche de sa situation. Le critère de proximité favorise les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant séjourne continuellement depuis sa naissance. « Ce sont donc en premier lieu les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle qui devraient être compétentes ». Le droit de l’enfant d’entretenir des relations avec ses deux parents sera sauvegardé lors de l’examen au fond de la responsabilité parentale. Cette procédure approfondie permettra d’évaluer le comportement des parents sans perturber prématurément la continuité des conditions d’existence du nourrisson. Le juge grec demeure le mieux placé pour apprécier les besoins du mineur et organiser, le cas échéant, un droit de visite.