La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du six octobre deux mille vingt-cinq, précise les critères de qualification du contrat de services. Cette affaire soulève la question de l’application du régime spécial de compétence juridictionnelle à un accord préparatoire relatif à une future activité commerciale. Un litige opposait deux entités suite à l’inexécution d’un avant-contrat relatif à la conclusion future d’une franchise située sur le territoire slovaque. La convention stipulait le versement d’une avance et prévoyait une pénalité contractuelle en cas de non-respect de cette obligation financière initiale. La requérante a saisi l’Okresní soud v Ostravě pour obtenir le paiement de ladite indemnité après s’être rétractée de l’accord conclu. Ce tribunal a rendu une ordonnance le dix-sept décembre deux mille vingt retenant sa compétence sur le fondement de la matière contractuelle. Le Krajský soud v Ostravě a confirmé cette position par une décision du seize février deux mille vingt-et-un malgré l’opposition de la défenderesse. La partie succombante a alors formé un pourvoi en cassation en invoquant l’incompétence des juridictions tchèques au profit des tribunaux slovaques. Le Nejvyšší soud a sursis à statuer pour interroger les juges européens sur la qualification de ce pactum de contrahendo en contrat de services. La Cour a décidé qu’un tel acte ne relève pas de cette catégorie faute d’activité réelle exercée en contrepartie d’une rémunération immédiate. L’étude de l’exclusion de l’avant-contrat des prestations de services précédera l’analyse du maintien du régime général de la matière contractuelle.
I. L’exclusion de l’avant-contrat de la catégorie autonome des services
A. L’absence d’activité positive et de rémunération caractéristique
La Cour rappelle que la notion de services implique que le prestataire effectue une activité déterminée en contrepartie d’une rémunération économique. Elle souligne que « l’existence d’une activité requiert l’accomplissement d’actes positifs, à l’exclusion de simples abstentions », selon sa jurisprudence constante. L’avant-contrat litigieux visait uniquement la conclusion d’une convention future et la préservation de la confidentialité des informations échangées entre les parties. En l’absence d’une activité réelle effectuée par le cocontractant, le paiement de la pénalité ne saurait constituer une rémunération au sens strict. La spécificité de cet engagement préparatoire justifie d’écarter toute assimilation hâtive avec les obligations découlant de la convention de franchise définitive.
B. Le rejet d’une qualification par anticipation du contrat définitif
La requérante soutenait que l’obligation de paiement était intimement liée au futur contrat de franchise dont le lieu d’exécution était aisément identifiable. La Cour écarte ce raisonnement car il imposerait de déterminer la compétence en fonction d’obligations qui n’ont pas encore été exécutées. Une telle interprétation « va à l’encontre des objectifs de prévisibilité et de sécurité juridique » poursuivis par le législateur de l’Union européenne. L’avant-contrat demeure un accord autonome qui ne peut emprunter sa nature juridique à la convention définitive qu’il prépare simplement.
II. Le maintien du régime général de la matière contractuelle
A. La préservation de l’effet utile des dispositions résiduelles
Le règlement prévoit des règles de compétence distinctes pour la vente de marchandises et la fourniture de services par rapport aux autres contrats. L’article sept dispose explicitement que le régime général s’applique si les catégories spécifiques de l’alinéa suivant ne peuvent être utilement invoquées. Élargir le champ d’application des services aux actes préparatoires « reviendrait à contourner l’intention du législateur » et affecterait l’effet utile du texte. La juridiction assure ainsi une hiérarchie claire entre les règles spéciales et le principe résiduel fondé sur l’obligation litigieuse. Cette rigueur méthodologique garantit la cohérence du système juridictionnel européen tout en assurant une protection efficace des intérêts des parties.
B. La recherche de sécurité juridique par une interprétation stricte
La solution adoptée garantit que le défendeur peut prévoir raisonnablement la juridiction devant laquelle il risque d’être attrait lors du procès. Les règles de compétence spéciales doivent faire l’objet d’une interprétation stricte sans permettre une extension au-delà des hypothèses envisagées explicitement. En désignant le lieu d’exécution de l’obligation de paiement, la Cour privilégie un lien de rattachement étroit entre le litige et le juge. Cette décision confirme la volonté de maintenir une application uniforme du droit de l’Union tout en protégeant les attentes légitimes des plaideurs.