La Cour de justice de l’Union européenne, en sa sixième chambre, rend le 6 octobre 2025 un arrêt interprétant l’article 50 de la Charte. Un exploitant d’établissement a fait l’objet de poursuites administratives successives fondées sur une réglementation nationale relative aux jeux de hasard. Une autorité locale a d’abord prononcé des amendes le 19 février 2018 pour la mise à disposition d’appareils de jeux sans licence. Le tribunal administratif régional de Feldkirch a annulé cette décision le 13 août 2018, estimant que les faits relevaient de la mise en œuvre. L’administration a engagé une seconde procédure sanctionnée le 30 novembre 2018 pour ce nouveau motif juridique malgré l’identité des faits matériels. Saisie d’un recours, la juridiction de renvoi demande si le principe ne bis in idem interdit de nouvelles poursuites après une relaxe définitive. La Cour affirme que le droit fondamental s’oppose à une sanction pénale nouvelle si une décision judiciaire a déjà statué au fond. L’analyse de l’identité des faits matériels constitue le premier axe de la réflexion avant d’envisager l’inopérance des qualifications juridiques nationales.
I. L’affirmation de la protection fonctionnelle du principe ne bis in idem
A. La consécration de l’identité des faits matériels
La Cour rappelle que le critère pertinent pour apprécier l’existence d’une même infraction réside dans l’identité des faits matériels. Cette approche évite que la protection offerte par la Charte ne dépende des variations sémantiques propres aux législations des États membres. « L’article 50 de la Charte interdit d’infliger, pour des faits identiques, plusieurs sanctions de nature pénale à l’issue de différentes procédures ». L’examen se concentre ainsi sur l’unité de temps, d’espace et d’objet des agissements reprochés à l’intéressé par l’autorité répressive. Cette primauté de la réalité concrète sur la forme juridique assure une effectivité réelle au droit fondamental du justiciable européen.
B. L’exigence d’une appréciation définitive au fond
La décision antérieure doit avoir acquis un caractère définitif après un examen réel de la responsabilité pénale du contrevenant. Les notions de condamnation et d’acquittement « impliquent nécessairement que la responsabilité pénale de la personne concernée ait été examinée et qu’une décision à cet égard ait été adoptée ». Une décision de clôture produit les effets d’une relaxe si elle intervient après une audience comportant des mesures d’instruction précises. Le principe ne bis in idem a pour objet de garantir la sécurité juridique en évitant l’incertitude de poursuites répétées. L’autorité de la chose jugée devient ainsi l’instrument indispensable de la protection du droit à la liberté dans l’espace européen. L’autorité de la chose jugée protège le justiciable contre le renouvellement des poursuites, mais cette garantie suppose également d’écarter les artifices de qualification.
II. Les limites à la dualité des poursuites dans le droit de l’Union
A. L’inopérance de la qualification juridique nationale
La divergence entre la mise à disposition et la mise en œuvre d’appareils ne permet pas la réouverture des poursuites pénales. La Cour affirme néanmoins que « la qualification juridique, dans le droit national, des faits et l’intérêt juridique protégé ne sont pas pertinents ». Cette règle empêche les administrations de contourner l’interdiction du double jugement par un simple changement de vocabulaire juridique. Une telle pratique porterait atteinte au contenu essentiel du droit protégé en autorisant une persécution judiciaire pour un même comportement. L’identité des circonstances concrètes doit prévaloir sur les divisions techniques opérées arbitrairement par le législateur national.
B. Le contrôle strict des justifications aux restrictions fondamentales
Toute limitation du principe ne bis in idem doit répondre aux exigences de la Charte et respecter la proportionnalité. En effet, les deux procédures successives poursuivaient le même objectif de sanctionner les offres illégales de jeux par machines à sous. En l’absence d’objectifs distincts, le cumul des poursuites ne peut être justifié par des raisons impérieuses d’intérêt général. La réglementation nationale ne saurait permettre de sanctionner les mêmes faits afin de poursuivre un but de police identique. Enfin, « L’article 50 de la Charte […] doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une sanction à caractère pénal soit infligée » à nouveau. Cette décision renforce l’unité du droit de l’Union face aux velléités répressives redondantes des administrations des États membres.