Cour de justice de l’Union européenne, le 15 avril 2010, n°C-64/09

Par un arrêt rendu en matière de manquement d’État, la Cour de justice de l’Union européenne se prononce sur la correcte transposition de la directive 2000/53/CE relative aux véhicules hors d’usage. Saisie par la Commission européenne, la Cour était invitée à constater qu’un État membre n’avait pas adopté l’ensemble des dispositions nationales requises pour assurer la pleine conformité de son ordre juridique interne avec plusieurs articles de cette directive. La procédure mettait en lumière un désaccord sur la compatibilité des mesures nationales existantes avec les objectifs fixés par le législateur de l’Union, notamment en ce qui concerne la définition des véhicules, les systèmes de collecte et de traitement, ainsi que la prise en charge des coûts afférents à leur destruction. Le litige portait donc sur l’étendue des obligations pesant sur un État membre lors de la transposition d’une directive et sur les critères d’appréciation d’un éventuel manquement. Il revenait ainsi à la Cour de déterminer si l’absence de transposition littérale ou l’adoption de mesures jugées insuffisantes par la Commission caractérisait une violation des traités. La Cour de justice répond en retenant une approche ciblée. Elle déclare que l’État membre a effectivement manqué à ses obligations en ne transposant pas « de manière correcte et complète » plusieurs dispositions spécifiques et énumérées de la directive. Néanmoins, elle écarte les autres griefs formés par la Commission. La solution conduit ainsi à une condamnation partielle de l’État mis en cause, tout en reconnaissant le bien-fondé de certaines de ses défenses. Cette décision illustre la rigueur avec laquelle la Cour contrôle l’obligation de transposition (I), tout en révélant les limites inhérentes à l’exercice de l’action en manquement (II).

I. La consécration d’une obligation de transposition rigoureuse

La décision de la Cour rappelle avec fermeté que les États membres sont tenus par une obligation de résultat précise lors de la transposition des directives. Ce principe justifie la condamnation de l’État défendeur pour la transposition incorrecte de certaines dispositions (A), soulignant ainsi l’importance de garantir l’effet utile du droit de l’Union (B).

A. La censure d’une transposition partielle et incorrecte

La Cour constate que l’État membre « a manqué aux obligations qui lui incombent » en vertu de la directive. Ce faisant, elle applique une jurisprudence constante selon laquelle la transposition ne saurait se contenter de mesures fragmentaires ou non contraignantes. Le manquement est retenu pour plusieurs articles qui constituent le cœur du dispositif de la directive, tels que la définition des véhicules concernés, les modalités de leur prise en charge par les démolisseurs, ou encore les mécanismes de compensation financière. En visant spécifiquement les articles 2, 4, 5, 7 et 8 de la directive, la Cour procède à un examen détaillé et technique de la législation nationale. Elle rejette implicitement l’idée qu’une simple conformité de fait ou qu’une pratique administrative, en l’absence de normes juridiques claires et précises, puisse suffire à satisfaire aux exigences de la directive. La solution réaffirme ainsi que la sécurité juridique impose l’adoption de dispositions internes contraignantes, suffisamment accessibles et prévisibles pour que les justiciables puissent connaître leurs droits et obligations.

B. La garantie de l’effet utile de la directive

Au-delà de l’aspect formel, la décision vise à préserver l’effet utile de la directive relative aux véhicules hors d’usage. L’objectif de cette dernière est de mettre en place un système harmonisé pour la collecte et le traitement écologique de ces déchets spécifiques, en application du principe du pollueur-payeur. Une transposition lacunaire, telle que celle sanctionnée en l’espèce, crée des brèches dans ce système et risque de fausser les conditions de concurrence au sein du marché intérieur. Par exemple, l’exclusion de certains démolisseurs du mécanisme de compensation des coûts, expressément visée par la Cour, est de nature à compromettre la viabilité économique de la filière et, par conséquent, l’efficacité même de la politique environnementale poursuivie. La condamnation, même partielle, constitue donc un rappel à l’ordre essentiel. Elle souligne que chaque disposition d’une directive doit trouver une traduction adéquate en droit interne pour que les objectifs du législateur de l’Union soient pleinement atteints sur l’ensemble de son territoire.

L’arrêt ne se limite cependant pas à cette condamnation. En rejetant une partie des griefs de la Commission, il apporte un éclairage complémentaire sur la charge de la preuve et le périmètre de l’office du juge dans le contentieux du manquement.

II. La portée circonscrite de la constatation du manquement

La décision de la Cour n’est pas une condamnation de principe de l’ensemble de la législation de l’État membre. Le rejet partiel du recours montre que le contrôle exercé par la Cour demeure strictement encadré (A), ce que la répartition des dépens entre les parties vient confirmer (B).

A. Le rejet partiel du recours comme limite au contrôle

En disposant que « le recours est rejeté pour le surplus », la Cour signifie que la Commission n’a pas réussi à établir l’ensemble des manquements qu’elle alléguait. Cette issue démontre que l’action en manquement n’aboutit pas automatiquement à une condamnation, même lorsque certaines défaillances sont avérées. Il appartient en effet à la Commission, en tant que partie demanderesse, de rapporter la preuve circonstanciée de chaque grief. Si les éléments fournis ne sont pas jugés suffisamment probants par la Cour, ou si l’État membre parvient à démontrer la conformité de sa législation sur certains points, les prétentions de la Commission sont écartées. Cette solution illustre le caractère contradictoire de la procédure et le rôle d’arbitre impartial joué par la Cour. Elle ne se contente pas de valider la position d’une institution, mais procède à une analyse juridique rigoureuse des arguments échangés, garantissant ainsi les droits de la défense de l’État mis en cause. La constatation du manquement est donc ciblée et ne s’étend pas aux domaines où la preuve fait défaut.

B. La répartition des dépens, reflet d’un succès partagé

La décision de la Cour de faire supporter à chaque partie ses propres dépens est la conséquence logique du rejet partiel du recours. Selon les règles de procédure de la Cour de justice, lorsque les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs de conclusions, la Cour peut décider d’une telle répartition des frais de l’instance. Cette solution, loin d’être anecdotique, confirme que l’issue du litige n’est une victoire complète pour aucune des parties. L’État membre est certes reconnu en manquement sur des points importants, mais il obtient gain de cause sur d’autres aspects de sa législation qui étaient contestés. La répartition des dépens agit ainsi comme un indicateur du caractère mesuré de la décision. Elle souligne que la Commission a pu, aux yeux de la Cour, formuler des griefs qui se sont révélés infondés, tempérant ainsi la portée de la condamnation prononcée et renvoyant l’image d’une justice qui évalue précisément la responsabilité de chacun.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture