Cour de justice de l’Union européenne, le 15 avril 2021, n°C-515/19

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 15 avril 2021, un arrêt fondamental pour le secteur des télécommunications spatiales dans l’affaire C-515/19. Ce litige opposait deux opérateurs de services de communications électroniques au sujet de la légalité d’autorisations nationales d’exploitation de fréquences radioélectriques. L’un des acteurs avait déployé un réseau complexe visant à fournir une connexion internet à haut débit aux avions survolant l’espace européen. Ce dispositif reposait sur l’utilisation simultanée d’un satellite et de nombreuses stations terrestres complémentaires installées sur le sol des États membres. Une société concurrente a contesté ces autorisations devant le Conseil d’État français, arguant que le système ne respectait pas les définitions juridiques européennes. La haute juridiction administrative a sollicité l’interprétation de la Cour de justice sur les critères de qualification des composantes du réseau. Le problème de droit résidait dans l’équilibre nécessaire entre l’infrastructure spatiale et terrestre pour conserver la qualification de système mobile par satellite. La Cour a jugé que la capacité de données transmise par le satellite peut être inférieure à celle supportée par les infrastructures terrestres. L’analyse portera sur la définition structurelle du système (I), avant d’étudier les conditions de déploiement des stations terrestres (II).

I. L’assouplissement des critères structurels du système mobile par satellite

L’examen de la configuration technique du réseau permet de distinguer la répartition des capacités de transmission (A) de la structure matérielle des récepteurs (B).

A. La prépondérance technique admise de la composante terrestre

La Cour de justice de l’Union européenne rejette l’idée qu’un système mobile par satellite doive être majoritairement dépendant de sa capacité spatiale. Elle affirme qu’ « un système mobile par satellite ne doit pas reposer à titre principal, en termes de capacité des données transmises, sur la composante satellitaire ». Cette interprétation permet aux opérateurs d’utiliser massivement des infrastructures au sol pour répondre aux besoins croissants de débit des utilisateurs finaux. L’absence de hiérarchie quantitative entre le satellite et les stations terrestres protège la viabilité commerciale des services de communications innovants en vol. Cette reconnaissance de l’importance des capacités terrestres conduit naturellement à s’interroger sur la configuration matérielle des récepteurs installés à bord des mobiles.

B. La conception fonctionnelle de la station terrienne mobile

L’arrêt clarifie la nature du matériel de réception nécessaire pour qualifier une installation de station terrienne mobile au sens du droit de l’Union. La juridiction européenne considère qu’il n’est pas exigé qu’une telle station puisse communiquer « sans matériel distinct, tant avec un élément terrestre complémentaire qu’avec un satellite ». Un ensemble composé de deux terminaux différents, reliés par un gestionnaire de communication, suffit ainsi à remplir les exigences techniques de la définition. Cette solution valide les architectures matérielles optimisées pour les aéronefs, où les récepteurs sont installés en fonction des contraintes physiques du fuselage. La validation des architectures techniques permet alors d’envisager les modalités géographiques de l’implantation des stations terrestres au sein des territoires nationaux.

II. L’encadrement de l’implantation des infrastructures terrestres complémentaires

Le déploiement des stations au sol doit répondre à des impératifs de qualité de service (A) tout en préservant l’utilité du segment spatial (B).

A. La justification par la recherche d’une qualité de service optimale

Les stations au sol peuvent couvrir l’intégralité du territoire si la composante satellitaire seule ne garantit pas la « qualité requise » pour le service. Cette notion se détermine selon « le niveau de qualité nécessaire pour fournir le service proposé par l’opérateur » et non selon un standard théorique. L’autorité nationale peut donc autoriser un maillage terrestre dense pour assurer la continuité des communications à haut débit dans les zones urbaines. Cette flexibilité géographique est toutefois conditionnée par l’absence de distorsion de concurrence sur le marché intérieur des services de communications électroniques. Si le maillage territorial est autorisé, il demeure strictement encadré par la nécessité de préserver le rôle effectif de l’infrastructure spatiale associée.

B. La persistance d’une utilité réelle pour la composante spatiale

Bien que secondaire en volume, la composante satellitaire doit conserver « une utilité réelle et concrète » pour justifier la qualification globale du système. Le satellite doit être effectivement utilisé et nécessaire au fonctionnement du réseau, son rôle ne pouvant être purement formel pour contourner la réglementation. Le fonctionnement autonome des infrastructures terrestres est strictement limité à dix-huit mois en cas de panne avérée de l’élément satellitaire du système. Les autorités nationales conservent ainsi le pouvoir de vérifier que le satellite n’est pas un simple alibi réglementaire pour exploiter un réseau terrestre.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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