Cour de justice de l’Union européenne, le 15 avril 2021, n°C-593/19

      La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 15 avril 2021, une décision fondamentale concernant la localisation fiscale des services de télécommunication mobile. Cette affaire oppose une société commerciale située dans un pays tiers à l’administration fiscale d’un État membre au sujet d’un remboursement de taxe. Le prestataire étranger permettait à ses clients non-résidents d’utiliser le réseau de communication d’un État membre lors de déplacements temporaires sur ce territoire national. L’administration fiscale a rejeté la demande de restitution en considérant que les opérations étaient soumises à l’imposition locale en raison de leur utilisation effective. **Initialement**, le Tribunal fédéral des finances de Vienne a annulé ce refus avant que la Cour administrative de Vienne ne remette en cause ce raisonnement. **Par conséquent**, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour de justice pour déterminer si ces services font l’objet d’une utilisation ou d’une exploitation effectives. Elle s’interrogeait sur l’incidence du régime fiscal du pays tiers pour caractériser une situation de non-imposition justifiant le déplacement du lieu de prestation. La Cour a conclu que ces services sont effectivement utilisés sur le territoire national et peuvent être imposés pour éviter toute absence de taxation européenne.

I. La localisation de la prestation par l’utilisation effective du réseau national

A. La reconnaissance d’une consommation territoriale lors d’un séjour temporaire       La Cour souligne que la logique de la directive impose que « l’imposition s’effectue dans la mesure du possible à l’endroit où les services sont consommés ». Le séjour temporaire des utilisateurs ne fait pas obstacle à la constatation d’une utilisation réelle de l’infrastructure technique mise à leur disposition sur le territoire. **Dès lors**, « l’utilisation ou l’exploitation effectives de ceux-ci s’effectuent nécessairement sur le territoire de l’État membre concerné lors des séjours temporaires » des clients intéressés. Cette approche privilégie la réalité matérielle de la prestation sur la domiciliation contractuelle des parties pour déterminer la compétence fiscale de l’autorité nationale compétente.

B. L’autonomie économique des frais d’itinérance facturés aux usagers       Les juges rappellent que chaque opération doit normalement être considérée comme distincte pour ne pas altérer la fonctionnalité globale du système commun de taxe. **En effet**, les services permettant l’usage d’un réseau tiers sont « distincts et indépendants des autres services de communication mobile dont ces personnes sont bénéficiaires ». L’identification séparée de ces prestations dans la facturation confirme leur nature spécifique et justifie un traitement fiscal autonome au regard des règles de localisation. Cette distinction permet d’appliquer la clause dérogatoire sans dénaturer l’économie générale du contrat liant l’abonné étranger à son fournisseur de services de téléphonie mobile.

II. La validité de l’imposition nationale au regard de l’objectif de taxation

A. La prévention de la non-imposition au sein du territoire de l’Union       La faculté de déplacer le lieu de prestation vise « non seulement […] la prévention de distorsions de concurrence, mais vise également à éviter les cas de non-imposition ». **Ainsi**, un État membre peut légitimement imposer des services normalement localisés hors de l’Union si cette mesure permet de pallier une absence de taxation communautaire. L’objectif de neutralité fiscale justifie que les prestations consommées sur le marché intérieur supportent la charge de la taxe indépendamment du siège du prestataire. La juridiction européenne valide le choix du législateur national d’assurer l’efficacité du prélèvement fiscal sur les services de télécommunications consommés sur son territoire.

B. L’exclusion du droit fiscal des États tiers dans l’appréciation du risque de non-imposition       L’appréciation des risques de double imposition ou de non-imposition s’effectue au regard du seul droit de l’Union sans tenir compte des législations étrangères tierces. **Cependant**, la Cour précise que ces situations « sont à apprécier en fonction du traitement fiscal des services concernés dans les États membres » de manière exclusive. Admettre une solution contraire reviendrait à faire dépendre l’application des règles européennes du droit fiscal interne fluctuant des pays non membres de l’Union. Le régime d’imposition du pays tiers demeure indifférent pour l’État membre qui souhaite soumettre à la taxe une prestation effectivement consommée sur son propre territoire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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