Cour de justice de l’Union européenne, le 15 avril 2021, n°C-729/19

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt de sa troisième chambre rendu le 17 septembre 2020, précise les conditions d’application du droit européen. Deux ressortissants s’unissent en 1991 et obtiennent des décisions relatives à des obligations alimentaires auprès d’une juridiction de leur État d’origine en 1999 et 2003. Après un divorce et le départ du débiteur vers un autre État, le créancier demande l’enregistrement des titres de 2003 devant les autorités locales. Le débiteur s’oppose à cette exécution au motif que l’État d’origine n’était pas encore membre de l’Union lors du prononcé du jugement initial. La Cour d’appel de Belfast saisit la Cour de justice d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation temporelle de l’article 75 du règlement n° 4/2009. La juridiction européenne doit déterminer si ce texte permet la reconnaissance de décisions rendues avant l’adhésion de l’État d’origine au système juridique communautaire. Elle décide qu’aucune disposition du règlement ne permet l’exécution de tels titres judiciaires nés avant l’intégration de l’État dans l’espace de liberté et de justice. L’interprétation souveraine de la Cour conduit à écarter le régime de reconnaissance automatisé pour ces titres anciens avant de condamner toute velléité d’extension de la coopération judiciaire.

I. L’exclusion des décisions antérieures à l’adhésion du régime de reconnaissance automatisée

A. Une interprétation littérale et contextuelle restrictive de l’article 75 La Cour précise que l’article 75 paragraphe 2 sous a) du règlement s’applique uniquement aux décisions rendues par des États déjà membres au moment de leur adoption. Elle relève que le libellé se réfère à des décisions « rendues dans les États membres », impliquant une qualité étatique nécessairement concomitante au prononcé du jugement. Cette exigence garantit que le titre exécutoire a été élaboré dans le cadre juridique de l’Union, offrant ainsi les garanties procédurales et juridiques communes. Le juge européen écarte la possibilité d’une reconnaissance simplifiée pour des actes nés sous une souveraineté étrangère aux traités lors de leur création initiale. L’analyse textuelle de la notion d’État membre doit toutefois être complétée par l’examen de la coordination entre les différents instruments législatifs de l’Union.

B. Le lien d’indivisibilité avec le règlement (CE) n° 44/2001 Le bénéfice des dispositions transitoires demeure strictement subordonné à l’appartenance de la décision au champ d’application matériel et temporel de l’ancien règlement de droit commun. La juridiction souligne que ce texte n’était pas en vigueur dans l’État d’origine avant son adhésion, empêchant ainsi toute transition vers le nouveau régime. Les décisions litigieuses ne relèvent pas davantage de la disposition transitoire de l’article 75, faute de continuité juridique entre les instruments de coopération successifs. En effet, l’absence de base légale sous l’empire de l’ancienne législation interdit au créancier de se prévaloir de la célérité offerte par la nouvelle norme. Cette limitation temporelle du champ d’application matériel impose alors d’évaluer l’éventuelle survie d’une assistance administrative par le biais de la coopération des autorités centrales.

II. Le refus d’une extension de la coopération judiciaire aux situations pré-communautaires

A. L’inopérance des mécanismes d’assistance des autorités centrales Le créancier ne saurait invoquer l’article 75 paragraphe 3 relatif à la coopération entre les autorités centrales pour valider l’exécution de titres judiciaires trop anciens. La Cour rappelle que le rôle de ces instances se limite à faciliter la transmission des demandes sans pouvoir modifier les conditions légales de reconnaissance. Ces dispositions ne concernent pas les critères de fond de l’exécution, lesquels relèvent exclusivement du chapitre IV du règlement relatif à la force exécutoire. Une solution inverse créerait une discrimination injustifiée entre les créanciers selon qu’ils utilisent ou non le canal facultatif des autorités publiques de liaison. Le rejet de l’assistance administrative conduit nécessairement à l’examen de l’existence d’autres fondements juridiques subsidiaires au sein de la législation européenne applicable.

B. L’absence de fondement subsidiaire pour une efficacité transfrontalière Le juge conclut qu’aucune autre disposition du règlement n° 4/2009 ne permet la reconnaissance de décisions rendues avant l’adhésion d’un État à l’Union européenne. Cette rigueur temporelle préserve la sécurité juridique des débiteurs en empêchant l’application rétroactive d’un mécanisme de confiance mutuelle à des décisions de justice antérieures. Le règlement doit être interprété en ce sens qu’« aucune disposition ne permet que des décisions en matière d’obligations alimentaires soient reconnues » sans base légale explicite. Enfin, la transition vers l’espace judiciaire européen ne saurait régulariser a posteriori des titres nés hors du cadre normatif communautaire et de ses garanties.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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