Cour de justice de l’Union européenne, le 15 avril 2021, n°C-868/19

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 15 avril 2021, un arrêt précisant les conditions d’application des groupements de taxe sur la valeur ajoutée.

Une société de personnes demandait l’application du bénéfice de l’unité fiscale avec son organe faîtier pour ses opérations économiques réalisées durant l’année 2017. Le tribunal des finances de Berlin-Brandebourg, saisi du litige, a sursis à statuer par une décision de renvoi préjudiciel en date du 21 novembre 2019. La juridiction s’interrogeait sur la conformité d’une règle nationale subordonnant l’intégration financière à la nature juridique des associés composant l’entité candidate au groupement. La Cour juge que l’article 11 de la directive 2006/112 s’oppose à une restriction excluant les sociétés de personnes dont les associés ne sont pas tous intégrés. L’analyse portera sur l’interprétation autonome des liens financiers avant d’étudier l’encadrement des mesures nationales de lutte contre la fraude fiscale.

I. Une interprétation autonome de la notion de liens financiers

A. Le refus d’une lecture restrictive des critères d’intégration

L’article 11 permet de considérer comme un seul assujetti des personnes indépendantes juridiquement mais étroitement liées sur les plans financier, économique et de l’organisation. Cette notion de « liens étroits sur le plan financier » doit faire l’objet d’une interprétation autonome pour garantir l’application cohérente du droit de l’Union. En effet, la juridiction précise que la condition relative à l’existence d’un lien financier ne saurait être interprétée de manière restrictive par les autorités nationales. « L’existence d’un tel rapport de subordination permet de présumer du caractère étroit des relations » sans constituer une condition nécessaire au groupement de personnes.

B. La remise en cause des particularités formelles nationales

L’administration nationale invoquait les spécificités de son droit interne pour justifier l’exclusion des sociétés de personnes du bénéfice de l’unité fiscale. La Cour écarte cet argument en rappelant que « les États membres ne sauraient invoquer les particularités de leur droit national afin d’ajouter une condition supplémentaire ». L’absence d’exigences de forme pour les contrats de société ne permet pas de présumer une absence de contrôle effectif de l’organe faîtier. Cette limitation de la portée du texte européen constituerait une exigence ajoutée illégalement aux critères définis par la directive relative à la taxe.

II. Le contrôle de la proportionnalité des restrictions nationales

A. L’invalidité d’une exclusion systématique au regard des objectifs

Les mesures nationales visant à prévenir la fraude ou l’évasion fiscales doivent respecter les principes généraux du droit, notamment celui de proportionnalité. La juridiction souligne qu’une « réglementation nationale qui exclut systématiquement toutes les sociétés de personnes qui comptent parmi leurs associés des personnes physiques » est excessive. Des moyens moins contraignants, tels qu’une preuve écrite, permettraient d’atteindre l’objectif de sécurité juridique sans écarter indûment des opérateurs économiquement sains. Par conséquent, l’exclusion catégorique dépasse ce qui est nécessaire pour prévenir les abus quand le risque de fraude demeure purement théorique.

B. La préservation nécessaire du principe de neutralité fiscale

Le principe de neutralité fiscale s’oppose à ce que des opérateurs économiques effectuant les mêmes opérations soient traités différemment lors de la perception. « La forme juridique sous laquelle le producteur ou le prestataire de services exerce son activité est, en principe, sans pertinence » pour la comparaison. Traiter différemment des sociétés concurrentes sur la seule base de la structure de leur actionnariat fausserait gravement les conditions de concurrence sur le marché. Cette décision confirme que la primauté du droit européen garantit l’accès aux régimes de simplification fiscale pour tous les acteurs économiques indépendants.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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