La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 15 décembre 2016, interprète les conditions d’octroi des avantages sociaux aux travailleurs frontaliers. Le litige concerne le refus d’une aide financière pour études supérieures opposé à des étudiants non-résidents par les autorités d’un État membre. Les requérants sollicitaient ce bénéfice en se fondant sur l’activité professionnelle de leur beau-père, conjoint ou partenaire de leur mère biologique. L’administration nationale considérait que la qualité d’enfant exigeait un lien de filiation juridique direct avec le travailleur employé sur le territoire de l’État. Le tribunal administratif de Luxembourg rejette les recours initiaux le 5 janvier 2015, ce qui conduit la Cour administrative à solliciter l’interprétation du juge européen. Le problème juridique consiste à déterminer si les enfants du conjoint d’un travailleur migrant peuvent bénéficier des avantages sociaux prévus par le droit de l’Union. La Cour juge que l’enfant du conjoint est assimilé à l’enfant du travailleur dès lors que ce dernier pourvoit effectivement à son entretien. L’élargissement de la notion de membre de la famille précède l’analyse des modalités concrètes de prise en charge financière de l’étudiant.
I. L’élargissement de la qualité de membre de la famille du travailleur migrant
A. L’assimilation des enfants du conjoint aux descendants directs La Cour rappelle que l’égalité de traitement en matière d’avantages sociaux profite tant aux travailleurs résidents qu’aux frontaliers exerçant une activité salariée. Elle souligne que l’article 7 du règlement numéro 492/2011 doit être interprété à la lumière de la directive relative au droit de séjour. La définition de membre de la famille comprend désormais « les descendants directs du conjoint ou du partenaire » reconnu par la législation de l’État membre d’accueil. Cette lecture harmonisée évite d’établir une distinction injustifiée entre les citoyens de l’Union selon leur statut de travailleur ou de simple résident. Le juge européen affirme ainsi que l’expression « enfant d’un travailleur migrant » inclut nécessairement les enfants du conjoint au sens de la jurisprudence constante.
B. La préservation de l’effet utile du droit à l’égalité de traitement L’interprétation restrictive prônée par l’autorité nationale aurait méconnu l’objectif fondamental d’intégration des membres de la famille des travailleurs mobiles au sein de l’Union. La Cour estime que limiter le droit aux seuls enfants communs du travailleur et de son conjoint nuirait gravement à la libre circulation. Le bénéfice indirect de l’égalité de traitement permet à l’étudiant de se prévaloir des dispositions européennes si le financement est accordé directement aux nationaux. Cette solution garantit que les familles recomposées disposent des mêmes leviers de mobilité que les structures familiales traditionnelles sans subir de discriminations indirectes. Le lien de rattachement à la société d’accueil s’établit par l’intermédiaire du travailleur frontalier qui contribue durablement au marché de l’emploi local.
II. La consécration d’une approche factuelle de la charge financière
A. L’exclusion d’un lien de filiation strictement juridique La Cour rejette l’exigence d’une obligation légale d’aliments pour définir la qualité de membre de la famille à charge au sens du règlement. Elle considère que « la qualité de membre de la famille à charge résulte d’une situation de fait » que les juridictions nationales doivent apprécier souverainement. Il n’est pas nécessaire de rechercher les raisons du soutien financier ni de vérifier si l’étudiant pourrait subvenir seul à ses propres besoins. Cette autonomie du critère factuel empêche les disparités entre législations nationales de compromettre l’application uniforme du droit de l’Union européenne sur le territoire. L’existence d’un domicile commun constitue un élément objectif suffisant pour démontrer que le travailleur frontalier assume la charge de l’enfant de son partenaire.
B. La simplification des modalités de preuve administrative Le juge européen écarte les arguments relatifs à la complexité des vérifications administratives pour justifier une restriction au bénéfice des aides sociales litigieuses. Le législateur de l’Union présume que les descendants directs sont à charge jusqu’à l’âge de vingt-et-un ans sans exiger de preuve supplémentaire. L’administration ne peut exiger un chiffrage exact de la contribution financière alors que la loi nationale prévoit déjà un critère de contribution à l’entretien. La décision précise que les autorités doivent simplement constater que le travailleur « pourvoit à l’entretien de cet enfant » pour valider le droit à l’aide. Cette approche pragmatique renforce la sécurité juridique des travailleurs frontaliers et assure une protection sociale effective à leurs proches quel que soit le lien juridique.