Cour de justice de l’Union européenne, le 15 février 2016, n°C-601/15

La Cour de justice de l’Union européenne, réunie en Grande chambre le 15 février 2016, s’est prononcée sur la validité de la rétention administrative des demandeurs de protection internationale. Un ressortissant d’un pays tiers, sous le coup d’une interdiction d’entrée définitive pour des motifs pénaux, avait sollicité une protection internationale. Les autorités nationales ont ordonné son placement en rétention afin de protéger la sécurité nationale et l’ordre public durant l’examen de cette demande. Le Conseil d’État des Pays-Bas a saisi la Cour d’une question préjudicielle portant sur la conformité de la directive 2013/33 avec la Charte des droits fondamentaux. Il s’agissait de déterminer si priver de liberté un demandeur d’asile pour des motifs d’ordre public respecte le droit fondamental à la liberté et à la sûreté. La Cour a conclu que l’examen de la disposition litigieuse n’a révélé aucun élément de nature à affecter sa validité au regard du droit primaire.

I. Un encadrement strict du droit à la liberté fondé sur l’intérêt général

L’autorisation de placement en rétention prévue par la directive constitue une limitation légale du droit à la liberté consacré par l’article 6 de la Charte. Cette mesure répond effectivement à un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union, à savoir la protection de la sécurité nationale et de l’ordre public. La juridiction précise que la disposition « ne confère aux États membres le pouvoir de placer un demandeur en rétention qu’en raison de son comportement individuel ». Cette possibilité reste cantonnée à des circonstances exceptionnelles et ne saurait résulter du seul dépôt d’une demande d’asile sur le territoire. Le législateur européen a ainsi préservé le contenu essentiel du droit à la liberté en soumettant la rétention à une base légale précise.

L’application du principe de proportionnalité exige que les limitations apportées s’opèrent toujours dans les limites du strict nécessaire pour atteindre l’objectif de sécurité. La Cour souligne que le maintien en rétention suppose que le comportement de la personne représente une « menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société ». Les autorités nationales doivent procéder à une évaluation au cas par cas pour vérifier si le danger justifie une telle atteinte à la liberté individuelle. Elles sont tenues de rechercher si des mesures moins coercitives, comme une obligation de présentation régulière, ne seraient pas suffisantes. Cette rigueur dans l’appréciation du danger individuel permet d’assurer une conciliation harmonieuse avec les exigences de protection issues des conventions internationales.

II. Une articulation cohérente avec la Convention européenne des droits de l’homme

La validité de la directive s’apprécie également au regard de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme par l’intermédiaire de la Charte. La Cour rappelle que les limitations au droit à la liberté ne peuvent excéder celles autorisées par le texte conventionnel tel qu’interprété par la jurisprudence. Une difficulté surgit car la rétention d’un demandeur d’asile doit normalement se fonder sur une procédure d’éloignement ou d’extradition en cours. La juridiction considère ici que l’existence d’une procédure d’asile n’implique pas par elle-même que la rétention n’est plus mise en œuvre « en vue d’une expulsion ». Un éventuel rejet de la demande d’asile permettrait en effet de reprendre immédiatement l’exécution des mesures d’éloignement précédemment décidées.

Le droit de l’Union maintient son autonomie tout en garantissant un niveau de protection équivalent à celui de la Cour européenne des droits de l’homme. Le juge affirme que le législateur a respecté le « juste équilibre entre le droit à la liberté du demandeur et les exigences afférentes à la protection de la sécurité ». La procédure de retour engagée avant la demande d’asile est simplement suspendue et demeure juridiquement en cours au sens des standards internationaux. La rétention fondée sur l’ordre public est alors valide dès lors qu’elle est exempte de mauvaise foi ou de tromperie de la part des autorités. Cette décision confirme ainsi la robustesse du système d’asile européen face aux impératifs de sécurité publique tout en protégeant les individus contre l’arbitraire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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