La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 15 février 2017, une décision fondamentale relative à la détermination de la compétence internationale en matière familiale. Le litige opposait un père de nationalité lituanienne à une mère possédant plusieurs nationalités étrangères, concernant la situation de leur enfant mineur résidant aux Pays-Bas. Un divorce fut prononcé par le Tribunal de district de Vilnius le 8 octobre 2013, fixant la résidence de l’enfant chez la mère et les obligations alimentaires. Le père a ultérieurement saisi la même juridiction lituanienne, le 28 août 2014, afin de modifier les modalités de garde et le montant de la pension. Le Tribunal de district de Vilnius s’est déclaré incompétent au profit des juridictions néerlandaises, mais cette décision fut infirmée par le Tribunal régional de Vilnius. La juridiction de renvoi demande si les autorités ayant adopté une décision passée en force de chose jugée demeurent compétentes malgré le déménagement de l’enfant. La Cour de justice répond que les juridictions de l’État membre où l’enfant résidait initialement ne conservent aucune compétence pour statuer sur une demande de modification. La solution repose sur l’interprétation de la résidence habituelle au moment de la nouvelle saisine, ce qui impose d’analyser l’autonomie de la procédure et l’unité du for.
I. L’AFFIRMATION DU CRITÈRE DE PROXIMITÉ PAR LA RÉSIDENCE HABITUELLE
A. La qualification de la demande de modification comme procédure autonome
La Cour de justice précise que le dépôt d’une demande de modification des mesures relatives à l’enfant constitue le point de départ d’une procédure distincte. Cette analyse s’appuie sur l’article 8 du règlement 2201/2003 qui fixe la compétence au moment où la juridiction nationale est saisie de l’acte introductif. L’exigence de proximité géographique guide systématiquement le juge européen afin de garantir que les mesures adoptées correspondent à l’intérêt supérieur de l’enfant mineur concerné. La juridiction doit donc vérifier sa propre compétence à chaque fois qu’un nouveau litige est porté devant elle, sans pouvoir se fonder sur une instance passée. « Cette compétence doit être vérifiée et déterminée dans chaque cas particulier, lorsqu’une juridiction est saisie d’une procédure, ce qui implique que ladite compétence n’est pas maintenue ». Le juge du for initial perd ainsi sa légitimité dès lors que l’intégration sociale et familiale de l’enfant s’est déplacée vers un autre État membre.
B. L’extinction de la compétence du for ayant initialement statué
Le principe de la force de chose jugée attaché à la décision de divorce du 8 octobre 2013 entraîne la fin de la prorogation de compétence. L’article 12 du règlement 2201/2003 prévoit explicitement que la compétence exercée lors d’une action matrimoniale prend fin dès que la décision relative à la garde devient définitive. Les juges lituaniens ne disposaient donc plus d’un titre juridique valide pour connaître des nouvelles prétentions du père après l’épuisement des voies de recours initiales. La présence physique de l’enfant sur le territoire des Pays-Bas pendant plusieurs années suffit à établir une nouvelle résidence habituelle au sens du droit européen. « La juridiction saisie doit déterminer la juridiction compétente en tenant compte, en premier lieu, de la résidence habituelle de l’enfant au moment de cette saisine ». Toute survie de la compétence de l’État d’origine est écartée pour éviter un décalage entre le cadre judiciaire et la réalité vécue par le mineur.
II. L’ARTICULATION DES COMPÉTENCES AU SERVICE DE L’INTÉRÊT DE L’ENFANT
A. L’alignement de la compétence alimentaire sur la responsabilité parentale
Le règlement 4/2009 relatif aux obligations alimentaires organise un renvoi direct vers les règles de compétence applicables en matière de responsabilité parentale pour les demandes accessoires. L’article 3 sous d) de ce texte permet ainsi d’unifier le traitement judiciaire des conséquences de la séparation parentale devant un seul et même tribunal. La Cour considère que le juge de la résidence habituelle de l’enfant est le mieux placé pour évaluer ses besoins financiers réels et ses conditions d’existence. Cette concentration des compétences assure une cohérence indispensable entre le droit de visite, la fixation du lieu de vie et le montant des pensions alimentaires dues. « Sont compétentes pour statuer en matière d’obligations alimentaires les juridictions qui sont compétentes pour connaître d’une action relative à la responsabilité parentale ». Le père ne peut donc pas scinder les demandes pour tenter de maintenir un lien procédural avec sa juridiction nationale alors que l’enfant vit ailleurs.
B. L’absence d’incidence du défaut de reconnaissance sur la désignation du for
Les difficultés liées à la reconnaissance transfrontalière des décisions précédentes n’affectent pas les règles de compétence directe fixées par les règlements européens en vigueur. Bien que les juridictions néerlandaises aient refusé de reconnaître certains aspects du jugement lituanien, cette circonstance ne saurait justifier le maintien artificiel de la compétence du premier juge. L’autonomie du concept de résidence habituelle prime sur les éventuels conflits relatifs à l’exécution ou à l’autorité de la chose jugée des décisions antérieures. La solution rendue par la Cour de justice garantit la prévisibilité juridique en empêchant les parties de multiplier les procédures devant des tribunaux dépourvus de lien géographique. « Ce sont les juridictions de l’État membre de la résidence habituelle de l’enfant qui sont compétentes pour statuer sur une demande de modification des dispositions ». Le système de coopération judiciaire repose sur une confiance mutuelle qui impose le transfert de compétence dès lors que le centre de vie du mineur a changé.