La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 15 janvier 2015 une décision relative à la détermination de la législation de sécurité sociale applicable. Une ressortissante d’un État membre résidant aux Pays-Bas travaillait au sein du consulat d’un État tiers situé sur le territoire néerlandais depuis novembre 1980. Elle bénéficiait d’un statut privilégié l’exonérant de toute cotisation sociale nationale en vertu d’une option offerte par les autorités locales lors de son recrutement. L’intéressée a sollicité en 2008 un relevé de ses périodes d’assurance afin de faire valoir ses futurs droits à une pension de vieillesse.
L’organisme national de sécurité sociale a refusé de comptabiliser les années travaillées au sein de la mission consulaire étrangère en raison de l’absence d’affiliation. Saisi d’un recours, le Rechtbank Amsterdam a jugé le 15 mars 2011 que la requérante devait être réputée assurée au titre de la législation nationale. La juridiction d’appel, le Centrale Raad van Beroep, a décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour sur l’interprétation du règlement numéro 1408/71. La question posée visait à déterminer si un travailleur d’un consulat étranger résidant dans l’État de son emploi relève du champ d’application de la coordination européenne.
La Cour juge qu’un tel ressortissant n’est pas soumis à la législation d’un État membre si l’État de résidence a fait usage des facultés internationales d’exemption. L’examen de cette solution conduit à analyser l’influence du droit international sur la qualification de travailleur avant d’observer la préservation de la souveraineté des États membres.
**I. L’exclusion du champ d’application du règlement au regard du droit international**
**A. La primauté de la Convention de Vienne sur les relations consulaires**
L’arrêt souligne que « le droit de l’Union doit être interprété à la lumière des règles pertinentes du droit international » qui font partie de son ordre juridique. La Convention de Vienne de 1963 régit la situation particulière des membres des postes consulaires qui sont résidents permanents de l’État de résidence habituelle. Son article 71 prévoit que ces personnels ne bénéficient de privilèges que dans la mesure où l’État d’accueil les leur reconnaît de manière expresse. Les autorités néerlandaises ont ainsi utilisé cette faculté pour exempter certains personnels du poste consulaire du régime national obligatoire de sécurité sociale.
Cette application du droit international coutumier permet de définir le cadre juridique applicable aux relations entre un État membre et une représentation diplomatique tierce. L’existence d’un régime d’exemption reconnu par l’État de résidence prime sur les mécanismes classiques de protection des travailleurs salariés circulant au sein de l’Union. La juridiction européenne valide ainsi l’utilisation des options offertes par les traités internationaux pour moduler l’affiliation aux régimes sociaux des agents recrutés sur place. Cette lecture rigoureuse des engagements internationaux de l’État membre justifie l’absence de soumission à la législation nationale de sécurité sociale.
**B. L’absence de soumission effective à une législation nationale**
Le règlement numéro 1408/71 s’applique exclusivement aux travailleurs salariés qui « sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres ». La Cour constate que l’intéressée n’était affiliée à aucune branche de sécurité sociale depuis son entrée en fonction auprès du poste consulaire étranger. L’exercice d’un droit d’option en faveur du maintien d’un statut privilégié fait obstacle à la qualification de personne soumise à une législation nationale déterminée. Cette situation factuelle et juridique exclut mécaniquement l’application des règles de coordination prévues par le texte européen pour les citoyens de l’Union européenne.
L’absence d’affiliation obligatoire ou volontaire durant la période d’activité litigieuse empêche de considérer l’intéressée comme entrant dans le champ d’application personnel du règlement. La décision précise que la notion de soumission à la législation doit s’apprécier concrètement au regard du droit en vigueur dans l’État membre de résidence. Le bénéfice d’une exonération totale de cotisations sociales emporte des conséquences directes sur la constitution des droits futurs à une pension de retraite nationale. Cette exclusion du champ européen souligne l’importance des compétences étatiques en matière d’organisation et de définition des bénéficiaires des régimes de protection.
**II. L’articulation entre les compétences étatiques et la coordination européenne**
**A. Le maintien de la compétence nationale pour l’aménagement des régimes sociaux**
Les États membres conservent la compétence pour déterminer les conditions de l’existence du droit ou de l’obligation de s’affilier à un régime de sécurité sociale. Le droit de l’Union européenne ne procède pas à une harmonisation de fond mais à une simple coordination des différents systèmes nationaux de protection. La Cour précise que « l’affiliation d’un travailleur au système de sécurité sociale » ne saurait être déterminée de manière autonome par le règlement de coordination. La législation nationale demeure le seul vecteur pour définir les modalités d’entrée dans le champ des prestations sociales obligatoires ou facultatives.
Le respect du droit de l’Union impose toutefois que les conditions d’affiliation ne créent pas de discriminations prohibées entre les ressortissants nationaux et les autres citoyens. L’arrêt confirme que les États peuvent légitimement restreindre l’accès à leur système de protection pour les personnes bénéficiant déjà d’un régime d’immunité internationale. Cette faculté d’aménagement permet de garantir la cohérence des régimes sociaux face aux spécificités des relations diplomatiques entretenues avec des puissances souveraines tierces. L’autonomie institutionnelle des États membres est ainsi préservée tant qu’elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté de circulation des travailleurs.
**B. Une portée limitée de l’assimilation par le droit de l’Union**
L’article 16 du règlement se limite à déterminer la loi applicable sans créer de droit direct à l’affiliation pour les personnels consulaires résidant sur place. Les règles de conflit de lois ne peuvent pas rendre inopposables des exemptions fondées sur des conventions internationales régulièrement ratifiées par les autorités de l’État. La solution retenue confirme que l’égalité de traitement ne s’applique qu’aux personnes relevant déjà effectivement d’un régime national de protection sociale obligatoire. La protection européenne s’efface donc devant la volonté de l’État d’accorder des immunités fiscales et sociales à certains de ses résidents permanents.
Cette décision rappelle que le principe d’assimilation des revenus ou des faits ne peut pas suppléer l’absence totale de soumission initiale à une législation étatique. Le travailleur qui opte pour un statut privilégié accepte implicitement les conséquences négatives attachées à son exemption du régime commun de cotisations de vieillesse. La Cour refuse d’étendre artificiellement le champ d’application du droit de l’Union à des situations régies par la souveraineté diplomatique et le droit international. L’interprétation stricte des textes de coordination assure ainsi une sécurité juridique nécessaire tant pour les assurés sociaux que pour les organismes de gestion.