La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 15 juillet 2021, se prononce sur la licéité d’une interdiction nationale visant les jeux promotionnels. Une société exploitant une pharmacie établie aux Pays-Bas proposait à ses clients allemands de participer à un tirage au sort lors de l’envoi d’une ordonnance. Les prix consistaient en des bicyclettes et des brosses à dents électriques dont l’obtention était liée à l’achat de médicaments soumis à une prescription médicale obligatoire. Une chambre professionnelle de pharmaciens a sollicité la cessation de cette pratique publicitaire devant les juridictions civiles pour violation des règles relatives à la concurrence. Le juge d’appel a fait droit à cette demande tandis que la juridiction fédérale de justice a décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour. La question préjudicielle porte sur la conformité de cette interdiction avec le droit européen de la publicité médicinale et le principe de libre circulation. La Cour juge que la directive sectorielle ne s’applique pas à cette promotion générale mais que l’article 34 du Traité ne s’oppose pas à la mesure.
I. L’exclusion du droit dérivé au profit des libertés fondamentales
A. L’inapplicabilité de la directive relative aux médicaments
La juridiction européenne examine d’abord si la directive instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain régit une telle campagne publicitaire promotionnelle. Elle relève que ce texte « s’attache à réglementer le contenu du message publicitaire et les modalités de la publicité pour des médicaments déterminés ». Or, le jeu organisé visait à inciter les clients à commander n’importe quel produit prescrit plutôt qu’un remède spécifique identifié par sa dénomination ou sa composition. L’action publicitaire tendait ainsi à influencer le choix de l’officine par le patient et non le choix du produit de santé situé en amont. La Cour conclut que cette pratique ne relève pas de la directive car elle « ne régit pas la publicité pour les services de vente par correspondance ».
B. La qualification de modalité de vente selon la jurisprudence classique
L’absence d’harmonisation européenne en la matière laisse subsister la compétence des États membres sous réserve du respect des libertés fondamentales garanties par le Traité. Les juges estiment que l’aspect de la libre circulation des marchandises prévaut ici sur la libre prestation de services car l’action concerne principalement la commercialisation. La mesure nationale interdit une certaine forme d’incitation pécuniaire sans toucher à l’exercice même de la profession de pharmacien ou à l’existence de la vente postale. Le dispositif doit être considéré comme une règle « régissant des modalités de vente » au sens de la jurisprudence établie par l’arrêt rendu en novembre 1993. Cette qualification juridique est essentielle pour déterminer si la réglementation étatique constitue ou non une entrave injustifiée aux échanges commerciaux entre les pays membres.
II. La validité de la restriction au regard de l’article 34 du Traité
A. Le respect des conditions d’application indistincte de la mesure
Une modalité de vente échappe à l’interdiction des mesures d’effet équivalent si elle s’applique à tous les opérateurs et affecte identiquement les produits nationaux ou importés. La législation en cause frappe indistinctement toutes les pharmacies vendant des médicaments sur le territoire concerné qu’elles soient établies localement ou dans un autre État. La Cour précise que l’interdiction vise la promotion de la vente de toute sorte de médicaments sans distinction d’origine géographique réelle ou supposée des produits. Les dispositions litigieuses « affectaient de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et celle des produits en provenance d’autres États ». Cette neutralité permet de conclure que la règle ne gêne pas davantage l’accès au marché pour les officines étrangères que pour leurs concurrentes installées sur place.
B. Une entrave limitée préservant l’équilibre du marché pharmaceutique
Les juges comparent cette situation à celle d’un arrêt antérieur concernant l’interdiction de la concurrence par les prix pour les médicaments vendus par correspondance électronique. Ils notent que l’interdiction des jeux promotionnels a des « conséquences beaucoup moins importantes pour les pharmacies par correspondance » que la suppression de toute marge tarifaire. Cette mesure touche également les pharmacies physiques qui auraient pu avoir un intérêt commercial à organiser de tels jeux pour fidéliser leur clientèle de proximité. La réglementation nationale n’empêche pas les pharmacies étrangères de compenser l’absence de conseil individuel par d’autres moyens de communication moins risqués pour la santé. La Cour dit pour droit que l’article 34 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne s’oppose pas à une telle interdiction de principe.