Cour de justice de l’Union européenne, le 15 juillet 2021, n°C-584/20

La Cour de justice de l’Union européenne, dans sa décision du 15 juillet 2021, statue sur l’étendue de la motivation des contributions bancaires annuelles. Un établissement de crédit conteste le montant financier réclamé pour alimenter le fonds de résolution commun lors de l’exercice budgétaire de l’année concernée. Cette entité dénonce le caractère secret des méthodes de calcul utilisées par l’organe de résolution pour fixer sa participation au système de garantie. Le Tribunal de l’Union européenne prononce initialement l’annulation de l’acte litigieux par une décision rendue en date du 23 septembre 2020. L’organe de résolution ainsi que l’institution exécutive forment un pourvoi contre cet arrêt pour obtenir le maintien de la décision de calcul initiale. Les autorités soutiennent que la protection des données commerciales des autres banques limite la diffusion exhaustive des détails mathématiques composant la charge. Le litige porte sur la conciliation entre l’obligation de motivation des actes administratifs et le respect impératif du secret des affaires des tiers. La Cour confirme le défaut de motivation de l’acte mais décide néanmoins de préserver ses effets juridiques durant un délai strictement encadré.

I. L’insuffisance de la motivation face à l’opacité technique du calcul

A. La consécration d’une obligation de transparence minimale Le juge européen rappelle que la motivation doit permettre à l’intéressé de connaître les justifications de la mesure individuelle prise à son égard. Cette règle fondamentale assure la protection des administrés en permettant un contrôle effectif sur la légalité des décisions imposant des charges financières importantes. La Cour précise que l’autorité doit « fournir à l’intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice ». Cette communication doit inclure les éléments essentiels permettant de vérifier si les critères légaux ont été correctement appliqués lors de la procédure. La simple mention des bases juridiques ne suffit pas à éclairer le destinataire sur les motifs réels ayant guidé la détermination du montant.

B. L’impossibilité d’une vérification individuelle des données confidentielles La détermination des contributions repose sur des calculs complexes intégrant des informations provenant d’une multitude d’autres acteurs du secteur bancaire européen. Cette structure mathématique empêche chaque établissement de comprendre précisément comment ses propres données influencent le résultat final par rapport à celles des concurrents. La Cour constate que l’absence de transmission de certains paramètres empêche le justiciable de « vérifier l’exactitude du calcul de sa contribution ». Cette opacité structurelle lèse les droits de la défense en privant l’entité assujettie des moyens nécessaires pour contester utilement la décision devant le juge. L’administration ne peut s’abriter derrière la confidentialité pour rendre ses actes totalement impénétrables à toute forme de contrôle comptable ou juridique.

II. La préservation de la stabilité financière malgré l’illégalité constatée

A. La sanction de la violation du droit au recours effectif L’absence d’une motivation adéquate conduit nécessairement à l’annulation de la décision attaquée car elle porte atteinte au droit fondamental à une protection juridictionnelle. La Cour de justice confirme que le respect du secret professionnel ne dispense pas l’autorité de rendre compte de l’exercice de son pouvoir. L’arrêt souligne l’obligation de « concilier le respect du secret professionnel avec l’obligation de motivation » afin de garantir l’équité de la procédure administrative. Cette exigence permet au juge de vérifier la matérialité des faits ainsi que l’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans le processus de décision. La sanction de l’annulation rétablit l’équilibre entre les prérogatives de puissance publique et les garanties offertes aux opérateurs économiques du marché intérieur.

B. La limitation temporelle de l’annulation par sécurité juridique La disparition immédiate des sommes collectées risquerait de fragiliser les ressources du fonds de résolution et de compromettre la stabilité du système financier. La Cour ordonne donc le maintien des effets de l’acte annulé pendant une période de six mois à compter du prononcé de l’arrêt. Cette mesure exceptionnelle permet d’ « éviter les conséquences négatives importantes pour la stabilité financière » qui résulteraient d’un vide juridique soudain dans le financement. Ce délai laisse à l’autorité compétente le temps nécessaire pour adopter un nouvel acte respectant les exigences de motivation fixées par la jurisprudence. La sécurité juridique justifie cette dérogation temporaire au principe de l’effet rétroactif de l’annulation pour protéger l’intérêt général de l’Union.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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