La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 15 juillet 2021 un arrêt majeur concernant le régime juridique des actes non contraignants. Le litige trouve son origine dans l’adoption d’orientations par une autorité de régulation bancaire relatives à la surveillance des produits financiers de détail. Une organisation professionnelle a contesté la validité de ces mesures devant une juridiction administrative nationale en invoquant une méconnaissance du droit de l’Union. Le juge national a alors décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour sur la portée du contrôle juridictionnel de tels actes. La juridiction de renvoi cherche notamment à savoir si des recommandations dépourvues d’effet obligatoire peuvent faire l’objet d’un examen de validité. La Cour répond que ces actes échappent au recours en annulation direct mais restent soumis à l’appréciation de validité par la voie préjudicielle. L’analyse portera d’abord sur l’aménagement des voies de droit ouvertes contre le droit souple avant d’étudier les conditions de l’exception d’illégalité.
I. La dualité procédurale du contrôle de légalité des actes de droit souple
A. L’exclusion du recours en annulation fondé sur l’article 263 TFUE
Le juge européen rappelle que le recours en annulation est réservé aux seuls actes destinés à produire des effets juridiques obligatoires envers les tiers. La Cour affirme que « des actes tels que les orientations de [l’autorité de régulation] ne peuvent faire l’objet d’un recours en annulation ». Cette solution préserve la distinction fondamentale entre les actes législatifs contraignants et les simples recommandations de nature administrative. L’absence d’effet de droit immédiat justifie l’irrecevabilité d’une action directe menée par les justiciables contre ces orientations de régulation technique. Cette interprétation stricte de l’article 263 du traité évite une multiplication excessive des recours contre des mesures dépourvues de force exécutoire.
B. L’admission du contrôle de validité par la voie préjudicielle
L’irrecevabilité du recours en annulation ne prive pas pour autant les justiciables de toute protection juridictionnelle contre les actes de l’Union. La Cour se reconnaît compétente pour « apprécier la validité d’actes tels que les orientations de [l’autorité de régulation] » sur le fondement de l’article 267. Cette compétence permet de garantir que les autorités nationales ne mettent pas en œuvre des recommandations européennes entachées d’illégalité ou d’excès de pouvoir. La voie préjudicielle assure ainsi l’unité de l’interprétation du droit européen tout en offrant un rempart efficace contre les dérives administratives potentielles. Le juge national devient le relais indispensable pour porter devant la Cour les doutes relatifs à la légalité de ces instruments souples.
II. L’élargissement de l’accès au juge national pour l’examen de la validité
A. L’absence d’exigence d’une affectation directe et individuelle
La recevabilité d’une exception d’illégalité devant une juridiction interne n’est pas subordonnée aux conditions restrictives applicables devant le juge de l’Union. Le droit de l’Union n’impose pas que l’acte « concerne directement et individuellement le justiciable qui se prévaut de cette exception » litigieuse. Cette précision libère les acteurs économiques d’une charge de la preuve souvent insurmontable lorsqu’ils contestent des mesures de portée générale. Le justiciable peut donc invoquer l’irrégularité d’une recommandation européenne dès lors qu’elle sert de base à une décision individuelle de droit national. Cette solution renforce substantiellement l’effectivité du principe de légalité au sein de l’espace juridique européen pour chaque citoyen concerné.
B. La confirmation de la validité intrinsèque des orientations de régulation
Après avoir admis la recevabilité de la question, la Cour procède à l’examen de la légalité interne des orientations contestées par l’organisation. L’analyse n’a révélé « aucun élément de nature à affecter la validité des orientations » relatives à la gouvernance des produits bancaires de détail. Cette conclusion valide les méthodes de travail de l’agence de régulation et confirme la proportionnalité des exigences imposées aux établissements de crédit. La Cour maintient ainsi un équilibre délicat entre le respect des procédures formelles et la nécessité d’une surveillance financière efficace au niveau européen. Cette décision offre une sécurité juridique bienvenue aux acteurs du marché bancaire tout en précisant les contours de la hiérarchie normative.