L’arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes, dont la date n’est pas précisée dans l’extrait fourni, se prononce sur l’interprétation de la directive 85/511/CEE relative à la lutte contre la fièvre aphteuse. En l’espèce, des éleveurs s’étaient vus imposer des mesures de vaccination suivies de l’abattage de leurs animaux. Ces mesures faisaient suite à la détection d’un foyer de fièvre aphteuse dans une exploitation voisine. L’autorité administrative néerlandaise avait fondé sa décision sur les résultats d’analyses transmis par un laboratoire. Les éleveurs ont contesté la légalité de ces mesures, arguant que le laboratoire en question n’était pas celui qui figurait sur la liste officielle annexée à la directive communautaire. Saisie par la juridiction nationale, la Cour a été amenée à clarifier les conséquences juridiques d’une telle non-conformité formelle. Le problème de droit posé consistait donc à déterminer si la décision d’abattage d’un cheptel, prise en application de la réglementation sur la fièvre aphteuse, pouvait être légalement fondée sur le diagnostic d’un laboratoire dont la dénomination ne correspondait pas à celle inscrite à l’annexe de la directive applicable. La Cour a répondu en privilégiant une approche matérielle de la sécurité sanitaire, estimant que la validité des mesures d’urgence ne dépend pas d’une stricte conformité formelle à la liste des laboratoires agréés, dès lors que l’objectif de lutte rapide et efficace contre l’épizootie est poursuivi.
I. La primauté de l’objectif de santé publique sur le formalisme procédural
La Cour de justice consacre une interprétation téléologique de la directive, où l’efficacité de la lutte contre la maladie prime sur le respect scrupuleux des exigences formelles. Cette approche se manifeste tant dans l’appréciation du statut du laboratoire que dans la validation des mesures prises sur la base de ses analyses.
A. L’appréciation substantielle du statut du laboratoire agréé
La Cour refuse de s’en tenir à une lecture littérale de l’annexe B de la directive 85/511. Elle établit qu’un changement dans les coordonnées d’un laboratoire, tel qu’un changement de nom ou de forme juridique, n’entraîne pas automatiquement la perte de son statut agréé. La conséquence d’une telle modification doit être évaluée au regard de son incidence concrète sur la sécurité sanitaire. La Cour précise ainsi que le statut n’est perdu « que si ces modifications sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la sécurité du laboratoire en ce qui concerne le risque de dissémination du virus de la fièvre aphteuse ». Cette solution pragmatique subordonne la validité de l’agrément à une condition matérielle, qui est le maintien d’un niveau de sécurité et de fiabilité suffisant pour prévenir la propagation du virus. Le juge national est ainsi invité à vérifier si les changements intervenus, bien que formels, n’ont pas altéré les garanties offertes par l’établissement, notamment en termes de personnel, d’équipement ou de procédures.
B. La dissociation entre l’agrément du laboratoire et la validité du diagnostic
Poursuivant son raisonnement, la Cour opère une distinction fondamentale entre l’obligation pour un État membre de recourir à un laboratoire agréé et la validité d’un diagnostic émis par un laboratoire non agréé. Elle juge que la directive « ne s’oppose pas à ce qu’un État membre prenne les mesures de lutte contre la fièvre aphteuse […] sur la base du résultat d’un examen effectué par un laboratoire qui n’est pas mentionné à l’annexe B ». Cette interprétation repose sur la nécessité d’une action rapide face à une maladie hautement contagieuse. Exiger que les autorités attendent la confirmation d’un laboratoire formellement listé pourrait retarder la mise en œuvre de mesures sanitaires cruciales. La Cour souligne d’ailleurs que les autorités peuvent agir sur la base de simples symptômes cliniques, dont la force probante est inférieure à celle d’une analyse, même issue d’un laboratoire non-listé. L’essentiel demeure la capacité des autorités à réagir promptement pour contenir l’épizootie, la source du diagnostic devenant un élément secondaire par rapport à l’urgence sanitaire.
II. Les prérogatives encadrées de l’autorité nationale en situation de crise sanitaire
La solution retenue par la Cour conduit à moduler les obligations de l’autorité administrative compétente en fonction de la qualité du laboratoire ayant réalisé le diagnostic. Elle précise également le cadre dans lequel s’exercent ces prérogatives, en les soumettant au respect des principes généraux du droit communautaire.
A. La force probante différenciée des résultats d’analyse
La Cour établit une gradation dans la portée des résultats d’analyse. Lorsque le diagnostic provient d’un laboratoire ayant le statut d’établissement inscrit à l’annexe B, l’autorité compétente « est tenue de donner suite aux résultats » et d’adopter les mesures qui s’imposent. Son pouvoir d’appréciation est alors limité, sauf à disposer d’indices permettant de douter sérieusement de la fiabilité des résultats. En revanche, si le diagnostic émane d’un laboratoire n’ayant pas ce statut, l’autorité n’est pas dessaisie de son pouvoir d’action, mais elle doit faire preuve d’une vigilance accrue. Elle est tenue de « prendre en considération même le résultat fourni par un tel laboratoire », mais doit, « avant de prendre les mesures appropriées, s’assurer de la fiabilité dudit résultat ». Cette obligation de vérification préalable constitue une garantie pour les administrés, tout en préservant la capacité d’intervention de l’administration face à un risque sanitaire avéré.
B. Le respect tempéré des droits fondamentaux
Enfin, la Cour rappelle que toute mesure de lutte contre la fièvre aphteuse, quelle que soit l’origine du diagnostic, doit respecter les principes généraux du droit, notamment le principe de proportionnalité et les droits de la défense. Concernant ces derniers, elle admet que l’urgence sanitaire peut justifier une restriction. Le principe du contradictoire, qui exige normalement que les destinataires d’une décision affectant leurs intérêts puissent faire connaître leur point de vue, peut être écarté dans sa dimension préalable. Ainsi, « la protection de la santé publique justifie, en principe, que cette autorité arrête lesdites mesures même sans recueillir au préalable le point de vue des intéressés ». Cette atteinte est jugée proportionnée à l’objectif poursuivi, à la condition essentielle que les justiciables conservent la possibilité de contester a posteriori la légalité des mesures et de faire valoir leurs arguments dans le cadre d’une procédure ultérieure. Le droit à un recours effectif vient ainsi compenser la restriction initiale apportée aux droits de la défense.